Cette semaine, je reçois Anne-Marie Ducroux. Depuis dix ans, Anne-Marie sensibilise les citoyens et citoyennes mais également les communes de France à la pollution lumineuse. Elle est la présidente de l’ ANPCEN, l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne. Depuis 20 ans, cette association agit au niveau local et national de manière entièrement bénévole. Reconnue d’intérêt général, elle a reçu pour la première fois en 2014 l’agrément national des associations de protection de l’environnement. Cet agrément lui a ensuite été renouvelé en 2019. J’espère que cet épisode vous plaira et surtout qu’il vous sensibilisera à ce sujet méconnu. Bonne écoute à toutes et à tous !Bonjour Anne-Marie.
Bonjour.
Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter s’il vous plaît ?
Je suis Anne-Marie Ducroux, je préside une association qui s’appelle Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne. Je la préside depuis dix ans. C’est une présidence bénévole pour une cause qui m’a intéressée et pour laquelle j’essaie de passer beaucoup de temps.
On va en reparler bien évidemment puisque c’est tout l’objet de ce podcast. Moi, c’est vrai que c’est une association dont j’ignorais l’existence jusqu’à il y a peu de temps et qui fait un travail formidable. On va revenir là-dessus mais avant j’ai une question à vous poser, que je pose à tous mes invités et qui est de savoir leur premier geste écolo.
J’en ai beaucoup, enfin, j’espère parce que c’est une préoccupation constante et en dehors d’être présidente de cette association, je m’occupe beaucoup de questions d’environnement donc je ne sais pas choisir. J’habite Paris, je peux utiliser les transports collectifs donc je n’ai pas de voiture individuelle, ce qui en termes d’émissions de gaz à effet serre par exemple est très important. Je fais très attention aux lumières chez moi pour ne pas polluer mes voisins ce qui n’est pas le cas de tous les voisins. Je fais attention à ce que j’achète, je fais attention à ce que je jette. Voilà ce ne sont que quelques exemples…
C’est déjà pas mal ! Et est-ce que vous vous souvenez du premier geste écolo ou en tout cas de la première fois où vous avez été sensibilisée à ces questions et ses enjeux environnementaux ?
Je ne peux pas le traduire en termes de gestes parce que c’est plutôt une prise de conscience et d’ailleurs elle n’est pas fulgurante, elle a été plutôt progressive. pour moi. J’ai décidé d’écrire un livre sur les questions et les enjeux du développement durable en 2000. Il est sorti à la suite du Sommet de la Terre de Johannesburg. C’est plutôt à la faveur de ce travail que je me suis vraiment orientée vers tous ces enjeux. Ca fait déjà plusieurs décennies maintenant que je travaille sur toutes ces questions qui portent sur tous les enjeux c’est-à-dire ceux des pollutionsen général mais aussi des émissions de gaz à effet de serre, de l’érosion de la biodiversité, des questions de santé environnementale etc.
D’accord donc ça a été vraiment progressif et avec différentes portes d’entrée.
Oui, parce que ce qui compte c’est vraiment l’approche globale et c’est d’ailleurs une des caractéristiques de l’association aussi. C’est pour ça que la question m’avait beaucoup intéressée.
On va revenir sur le travail de cette association que vous présidez, vous l’avez dit, depuis dix ans. Est-ce que vous pouvez, dans un premier temps, simplement nous expliquer la mission de cette association parce que, finalement, je ne sais pas si ça parle à tous les auditeurs et je ne sais pas s’ils savent ce qu’on entend par la protection du ciel et de l’environnement nocturne ?
C’est vrai que c’est une mission finalement assez singulière, assez originale. Elle a 20 ans d’existence. Enfin, elle a plus de 20 ans d’existence, cette association. Elle a démarré avec quelques individus qui ont jeté l’alerte sur les questions et les enjeux dits de « pollution lumineuse », notion qui était totalement inconnue il y a plus de vingt ans et dont tout le monde se moquait royalement. On qualifiait même tous ceux qui soulevaient ces questions de farfelus. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. L’association a beaucoup évolué au fil du temps puisque finalement d’une préoccupation qui était plutôt celle de l’observation du ciel, c’est-à-dire celle d’astronomes soit professionnels soit de loisirs, elle a évolué vers un tout autre périmètre qui est celui de l’environnement au sens large, vers un enjeu d’intérêt général pour tous. Elle a plusieurs particularités, cette association. D’abord, nous ne sommes que des bénévoles. J’insiste toujours sur ce point parce que c’est finalement assez exceptionnel de dévouer autant de temps, d’énergie et d’expertise à une cause qui n’intéressait au départ personne. Nous avons une approche à la fois nationale et locale, ce qui nous permet de porter un plaidoyer national et d’agir concrètement à proximité sur le terrain, au plus près des communes, des citoyens, des acteurs de terrain. Et troisième chose, on privilégie justement une approche globale des enjeux de la pollution lumineuse qui peuvent être, bien sûr, les questions environnementales dont je parlais (l’érosion de la biodiversité qui était une question qui n’existait pas dans ce sujet précédemment, nous l’avons vraiment mis à l’agenda public), les questions d’effets sanitaires, les questions de gaspillage énergétique qui est le point que les gens comprennent le mieux même s’il est, finalement, là aussi, assez récent et puis les questions de dépenses publiques puisque au final tout ça coûte aux citoyens et plus largement les questions d’éco-conception (combien de matières premières on utilise? Est-ce qu’il y a un bilan climatique global de l’éclairage ?). C’est une approche globale et à l’aune des dix ans d’observation et d’action que j’ai, je confirme que cette approche globale est vraiment la seule qui est pertinente parce que c’est celle qui permet de faire des choix cohérents.
Depuis quand est-ce qu’on parle de pollution lumineuse ? Est-ce que vous avez une idée un petit peu plus précise peut-être en termes d’années ou depuis quand est-ce qu’on est confrontés à cette pollution ?
Ce qu’on peut dire c’est qu’il y a eu deux premières alertes dans les années 80, peut-être un tout petit peu avant encore. Mais c’était un phénomène très peu connu, très peu nommé et notamment parce que la perception que nous avons de l’éclairage était très culturelle. C’est ça aussi qui donne à ce sujet beaucoup d’intérêt, c’est qu’on perçoit par nature, souvent de manière implicite et non pas explicite, la lumière comme un progrès. Or, dans les années qui viennent de s’écouler, les décennies qui viennent de s’écouler, on a tellement exagéré sur l’usage de la lumière artificielle qu’on n’est plus seulement au niveau d’un progrès et on n’est plus non plus à l’usage seulement fonctionnel, qui permet les déplacements et qui assurent la sécurité. On a dépassé de très loin ces seuls usages qui étaient l’origine de l’éclairage pour aller vers toutes sortes d’illuminations, de gestes lumière, de créations d’identité, de tout ce qui n’est plus un usage purement de service. Cette notion est finalement assez récente et elle s’est propagée petit à petit, au fur et à mesure qu’on a commencé à regarder différemment les effets néfastes de l’éclairage et en se détachant du principe implicite qu’il n’est qu’un progrès. A l’aune de la quantité de lumière émise aujourd’hui, il y a toujours des services que nous rend l’éclairage et nous, on tient bien sûr à les maintenir mais on doit aussi, au 21ème siècle, réfléchir avec des enjeux contemporains dans lesquels nous sommes engagés y compris internationalement par exemple l’érosion de la biodiversité, les gaz à effet de serre, les pollutions, les conditions de santé et environnement… Il nous faut re-concevoir l’éclairage à l’aune des effets néfastes qu’il peut aussi produire.
Quels sont-ils justement ces effets néfastes ? Est-ce que vous parlez d’effets néfastes sur l’environnement, sur l’homme peut-être aussi ?
Oui, c’est l’approche globale dont je parlais tout à l’heure. L’éclairage nous rend des services donc il faut conserver bien-sûr les services rendus mais les re-qualifier, les re-concevoir en fonction d’une approche réelle des besoins. On a passé plusieurs décennies à prescrire des éclairages qui, en fait, relevaient d’une théorie voire d’une absence de mesure des besoins réels, des besoins des citoyens sur le terrain. En renversant la problématique, en ne partant plus de l’offre mais des besoins, on peut répondre très différemment, au 21ème siècle. Ensuite il faut regarder la quantité de lumière émise car c’est finalement cette quantité de lumière artificielle émise la nuit qui est un problème. La pollution lumineuse, c’est aussi un phénomène de nature de lumière et de qualité des installations. Il faut agir sur ces trois effets. Les effets néfastes de l’éclairage, ce sont par exemple des effets sur la santé humaine parce que la quantité de lumière émise altère notre horloge biologique. C’est un cycle que l’on appelle un cycle circadien sur lequel tout vivant est construit dont les humains. C’est un phénomène d’adaptation à un rythme naturel d’alternance du jour et de la nuit que l’on a rompu en éclairant toute la nuit et beaucoup. En rompant ce phénomène, ce rythme naturel, on atteint à l’horloge biologique des individus et ce n’est pas sans conséquence d’abord sur le sommeil puisque ça altère la quantité et la qualité de sommeil mais ça altère à terme aussi les fonctions physiologiques qui sont activées par la période de sommeil. Ce sont par exemple les défenses immunitaires, ce sont des productions hormonales nécessaires, ce sont des régulations de l’humeur…, tous ces phénomènes activés pendant le sommeil. Si vous réfléchissez, finalement votre quantité et qualité de sommeil est atteinte toutes les nuits, toute l’année et à tous les âges de votre vie. Même si c’est un phénomène diffus et donc malheureusement qu’on n’arrive pas à quantifier suffisamment pour prendre en charge le coût public de cette altération du sommeil, il est facile de comprendre que ça atteint à notre santé à terme. Voilà par exemple un effet néfaste de l’éclairage en trop grande quantité qui atteint la santé des humains. Il y a aussi dans la qualité ou la nature des lumières un nouveau phénomène, c’est qu’on a de plus en plus de lumière très blanche avec une très forte composante de bleu qui donne cette impression de blancheur, qui a été préconisée par les acteurs économiques sans étude véritable des conséquences de ces lumières blanches, à la fois sur les humains et sur la biodiversité. Maintenant on a quand même de plus en plus d’études, on sait que ces lumières blanches …
C’est un problème pour les êtres humains, c’est aussi un problème pour la faune. Je me souviens, il y a quelques années, d’associations notamment la LPO, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, qui s’était manifestée à ce sujet-là et qui avait milité contre les grands faisceaux lumineux qui étaient diffusés parfois par des boîtes de nuit ou ce genre de lieux en disant que ça perturbait énormément la faune et notamment les oiseaux, les chauves-souris et tous les animaux nocturnes.
Effectivement. C’est un sujet que nous avons particulièrement porté justement parce que nous avons l’approche globale que je soulignais. Moi, j’étais, très concrètement, face à des tas d’interlocuteurs qui déniaient l’existence de ce phénomène en nous disant : « Prouvez-nous que ça existe ». D’abord on a sorti une étude avec le groupe Caisse des dépôts qui a, sur la base d’une bibliographie scientifique internationale, montré qu’il y avait énormément d’études qui explique les effets sur toutes les espèces, sur tous les groupes d’espèces. Il faut savoir aussi que 30% des vertébrés et plus de 60% des invertébrés sont nocturnes donc en fait la lumière a un effet non seulement sur une biodiversité qui est majoritairement nocturne contrairement à ce qu’on imagine mais en plus les éclairages ont des effets sur la biodiversité diurne parce que le vivant est aussi construit sur cette horloge biologique interne. Tous les groupes d’espèces sont concernés. Les oiseaux, c’est une espèce qui a été un peu plus étudiée historiquement mais on sait qu’effectivement ils peuvent être désorientés dans leurs migrations, leurs déplacements. Tout ça, à terme, atteint leurs capacités de reproduction soit des individus soit des populations. On connaît aussi tous les phénomènes de collision avec des bâtiments très éclairés puisque finalement les oiseaux utilisent pour se déplacer un repère qui est celui des étoiles, c’est une des façons de se repérer pour eux, et ils sont trompés par nos lumières artificielles qu’ils peuvent prendre pour des étoiles dans le ciel. Mais vous avez bien d’autres effets. Il y en a aussi sur les poissons, sur le plancton, sur les batraciens, sur les insectes. On dit, par exemple, que la pollution lumineuse est la deuxième cause d’effondrement des insectes et on parle bien d’effondrement des populations des insectes. On a des chiffres montrant aussi, avec des études plus récentes, que si on compare une zone éclairée et une zone moins éclairée, on a une activité de pollinisation réduite de 62 % entre les deux zones. C’est quand même assez important puisque la pollinisation à terme c’est la fructification donc la reproduction de végétaux qui est nécessaire aux humains aussi. Ce n’est pas du tout sans conséquence. On a mille exemples d’effets sur les espèces et c’est la raison pour laquelle nous avons tenu, et c’est vraiment l’ANPCE qui l’a fait, à porter pendant deux ans devant le parlement un plaidoyer sur cette question qui a abouti à l’inscription, dans la loi relative à la biodiversité, de la pollution lumineuse sous différentes formes. Voilà un effet néfaste qui n’est pas du tout combattu aujourd’hui, loin de là, mais qui, au moins, est inscrit dans le corpus institutionnel français, ce qui n’est pas du tout le cas dans d’autres pays.
J’allais justement venir à cette question du cadre juridique. Pour cette pollution lumineuse, qu’en est-il aujourd’hui de la législation, à part cette inscription dans le corpus, est-ce qu’on a d’autres articles dans le code de l’environnement ? Est-ce qu’on a des règles qui régissent les installations lumineuses ? Comment est-ce que ça se passe très concrètement ?
Il faut surtout avoir un tout petit zoom arrière pour comprendre qu’il n’y avait aucun cadre. J’ai vu arriver plusieurs lois sur la table du conseil des ministres, ce sujet n’est même pas nommé, n’est même pas cité, y compris par les personnes et les services étatiques auxquels on a parlé pendant des années. On est d’abord face à un vide, même face à un sujet qui est pris pour mineur voire farfelu avec une dénégation des acteurs économiques directement intéressés, la vente des lampadaires et la consommation énergétique ou de lumière. On est face à un lobby très structuré depuis des années et avec une absence de compréhension et de connaissance du sujet très, très fort. Tout le travail de l’ANPCE a été premièrement de mettre ce sujet à l’agenda public à la fois nationalement, comme je vous l’évoquais, vers le gouvernement, vers le parlement, vers les têtes de réseau national et puis localement, au plus près des communes, des équipes municipales, des citoyens, de faire de la pédagogie. Un travail de fourmi depuis plus de 20 ans qui a porté ses fruits. Avec les publications dont je parlais, en s’appuyant sur des arguments scientifiques et des études scientifiques ou des arguments techniques, pour ne pas justement que ce sujet soit pris comme un sujet de militants avec une idéologie derrière, ce qui n’est pas du tout notre façon de défendre cette question, nous avons réussi à faire entrer ce sujet dans 4 lois, les deux lois « Grenelle de l’environnement », la loi relative à la transition énergétique de 2015 et la loi relative à la biodiversité de 2016. Ceci a permis de traduire ensuite ces lois dans plusieurs textes réglementaires, décrets et arrêtés, dont le dernier qui date de décembre 2018et qui fait suite à un recours associatif porté entre autres par nous devant le conseil d’Etat, à défaut d’avoir reçu une réponse du ministère de l’écologie. On a maintenant en France quatre lois, plusieurs textes de référence et quelques textes réglementaires qui commencent à mettre en oeuvre les choses. C’est un progrès par rapport à l’absence de règles et de cadres qui existait il y a seulement quelques années.
Disons qu’aujourd’hui il n’existe plus, grâce à votre travail, ce vide juridique, néanmoins dans les faits, c’est finalement assez restreint.
On est au milieu du gué. On voit vraiment de véritables progrès dans la prise en compte institutionnelle, dans la compréhension des citoyens français. On fait des sondages réguliers de suivi de la perception de la pollution lumineuse par les Français. En 2012, il y a huit ans, il y avait seulement 48% des Français qui se disaient favorables aux extinctions des éclairages publics en milieu de nuit, au moment où il n’y a plus personne dehors. Ce chiffre est passé en 2018 à 80% des Français. On le voit sur le terrain puisque c’est notre travail principal. Quand on explique les enjeux, quand on explique les économies qu’on peut faire, qu’on va pouvoir les traduire à d’autres besoins des citoyens, les Français comprennent très bien et sont prêts à suivre une réduction de durée d’éclairement qui est la première mesure simple et de bon sens à faire. On voit des progrès dans la perception qu’en ont les Français et leur acceptabilité d’une autre forme d’usage qui n’était jamais prescrite. On sait aussi, puisque nous sommes sur le terrain depuis plus de 20 ans, qu’il y a douze mille communes qui pratiquent déjà une extinction à minuit donc on voit bien à la fois par le label « Villes et villages étoilés » que nous développons et qui intéresse de plus en plus les communes, par celles qui pratiquent une extinction, par celles qui signent des chartes d’engagement volontaire avec nous, qu’il y a un progrès. On voit aussi que certains acteurs de terrain commencent à avoir un tout petit peu d’interrogations sur leurs pratiques. Des écoles ou des établissements publics qui avaient des parkings éclairés toute la nuit qui commencent à se poser des questions ou certains supermarchés qui ont des parkings fermés non accessibles mais éclairés toute la nuit. On en connaît tous des sites privés, je ne parle pas de sites publics, qui ont des pratiques de l’éclairage qui sont totalement aberrantes. Si vous vous promenez dans une rue la nuit, c’est là qu’on voit bien qu’on est au milieu du gué, vous pouvez avoir une rue où vous voyez vraiment des pratiques qui ont commencé à progresser, les gens ont fermé leurs vitrines, ont éteint les éclairages mais vous voyez aussi l’exact contraire, des boutiques fermées toutes éclairées la nuit. On se demande pourquoi.
Vous avez mentionné le label que vous développez, c’est assez intéressant, on y reviendra sûrement, mais moi ce que je voulais savoir, c’est dans ces villages qui ont fait le choix de couper leur éclairage public une partie de la nuit, comment est-ce que ça a été accueilli par les citoyens ? On a quand même cet imaginaire que si c’est éclairé, on est plus en sécurité. Est-ce que c’est vrai ou faux ?
C’est une question dont on a vraiment l’expérience puisque ça fait 20 ans qu’on entend l’argument de la sécurité. On ne l’ignore pas, c’est une question qui est légitime. Il faut y répondre mais en revanche, il faut fournir des faits, de la documentation sur le sujet et passer par nos recommandations dont finalement on voit sur le terrain qu’elles marchent. Il est tout à fait normal que les citoyens se posent ces questions, il est tout à fait normal que des élus qui sont responsables de la sécurité et des déplacements se posent ces questions. En revanche, il faut quand même savoir qu’aucun règlement n’oblige les élus à éclairer. C’est très important à savoir. A partir du moment où ils font le choix d’installations d’éclairage, ils devront les maintenir en état de fonctionner. Leur responsabilité est engagée quand ils choisissent de mettre plus d’éclairage. Il faut corriger un peu toutes les choses parce que souvent ça part de manière erronée. On ne préconise pas que tout soit éteint partout, sans aucun discernement et justement tout l’intérêt de repartir des besoins de terrain avérés, vérifiés des citoyens, ça permet d’instaurer un dialogue entre les citoyens et les élus. On sait très bien définir à l’échelle d’un territoire s’il y a besoin ou pas d’un éclairage en telle ou telle zone du territoire ou à tel ou tel moment de la nuit. Si, par exemple, vous avez dans un village une salle des fêtes qui fonctionne le samedi, peut-être que l’éclairage en sortie de salle des fêtes à une heure du matin sera nécessaire alors que dans tous les hameaux environnants et les lotissements environnants à une heure du matin il n’y a absolument personne qui circule et ceux qui circulent ont des voitures avec un éclairage embarqué qui ne nécessite pas d’avoir un éclairage toute la nuit, toute l’année. Voilà le genre d’ajustement qui peut être étudié entre les citoyens et les élus et c’est là que notre rôle est souvent assez déterminant. On sait par expérience que pour proposer ce genre de solution qui est vraiment la mesure la plus simple, la plus immédiate dans ses résultats, qui ne coûte rien et dont on peut lire les résultats immédiatement, il faut d’abord proposer une explication des enjeux de la pollution lumineuse. C’est pour ça qu’on participe à énormément de réunions publiques, qu’on fait des conférences, qu’on fait des stands etc auprès des élus les trois quarts du temps pour expliquer les enjeux. Les gens sont intelligents. Quand vous leur expliquer les enjeux et ce qu’on peut gagner dans ce sujet, déjà vous avez quasiment 85, 90 % 95 % d’acceptation parce que, au moins, on leur a expliqué les enjeux de manière différente et surtout de manière globale. Sur la sécurité, on peut donc ajuster en fonction des besoins à bien identifier, par le dialogue entre le citoyen et l’élu. Quand il y a des réticences ou des réserves qui persistent, nous on propose aux élus de faire une expérimentation de trois mois ou de six mois d’extinction, par exemple entre 23h et 5h ou entre minuit et 6h, d’informer la population voire de la consulter, de faire quelque chose de provisoire et de noter, pendant cette phase d’expérimentation, ce qui se passe et ce qui ne se passe pas. Nous nous proposons même de faire des expérimentations avec les services de police et de gendarmerie. On sait dans toutes les expérimentations qu’on a suivi que ce sont les services de police et de gendarmerie qui attestent avec des chiffres à l’appui qu’il n’y a aucune augmentation des délits pendant ces périodes d’extinction. Il n’y a pas de causalité prouvée entre une extinction au milieu de nuit et un supplément d’insécurité.
Et justement en tant que citoyens et citoyennes, en tant qu’auditeurs et auditrices de Basilic, qu’est-ce qu’on peut faire, qu’est ce qui est à notre portée pour sensibiliser peut-être nos élus mais aussi les commerçants de notre ville, l’école de nos enfants ? Comment est-ce qu’on doit agir, nous ?
Nous, on propose des outils très simples, vraiment très facile à utiliser. On propose sur notre site des lettres-types qui permettent d’attirer l’attention des élus. Là, on est en train de le faire en période de confinement mais on l’avait déjà fait au premier confinement de l’année 2020. On a remis à jour et remis en circulation cette lettre-type parce que finalement en confinement, c’est un bon moment pour se poser des bonnes questions sur des éclairages qui deviennent disproportionnés voire totalement inutiles en période où finalement les flux sont limités ou interdits. C’est un moment-prétexte qui peut dépasser très largement la période de confinement. Une lettre-type permet à un citoyen de solliciter son élu : « Est-ce que vous avez l’intention de faire quelque chose ? Est-ce que vous pourriez le faire ? » C’est vraiment à la portée de quiconque. Une autre façon d’agir différente c’est de déléguer cette action à une association comme la nôtre en soutenant l’association et je dis ça simplement parce que nous sommes la seule association dont l’objet social principal et unique c’est de travailler sur cette question. On essaie aussi dans la mesure de nos moyens, puisque nous sommes tous bénévoles, de répondre à beaucoup de questions que nous recevons tous les jours, hélas. Des tas de gens ont des problèmes avec ce que nous appelons des lumières intrusives. Il y a des lumières qui les gênent, soit privées soit publiques, parce qu’elles sont mal installées, parce qu’elles sont trop importantes, parce qu’elles sont disproportionnées, parce qu’elles sont éblouissantes, parce qu’elles sont trop blanches… Des problèmes comme ça, on en gère toute l’année. C’est de la folie ! On se demande d’ailleurs pourquoi le ministère ne fait pas ce travail puisque ça devrait être un travail de l’administration de répondre à ce type d’interrogation. On se substitue à l’état et aux collectivités en répondant sans cesse à des demandes de ce type. Maintenant, les citoyens peuvent aussi observer autour d’eux, ils peuvent nous transmettre des informations. Par exemple, on cherche à savoir quelles sont les communes qui éteignent, de quelle heure à quelle heure. Ce sont des informations qu’on essaie de recenser, là aussi un peu par défaut de l’administration publique locale ou nationale puisqu’il n’y a pas de suivi national de tout ça. C’est quand même assez dommage pour pouvoir suivre l’évolution d’un enjeu majeur. Vous avez aussi des tas de gens, personne ne réfléchit jamais à tout ça, qui éclairent leur jardin toute la nuit avec des éclairages, y compris solaires. Ce n’est pas forcément nécessaire parce que finalement, même si votre éclairage est solaire, vous émettez de la lumière donc vous perturbez le fonctionnement normal de cette biodiversité qui a besoin de se déplacer la nuit ou de vivre la nuit. Ca peut paraître dérisoire mais si tout le monde commence à faire un tout petit peu attention, ça peut aussi changer les choses.
Merci beaucoup, Anne-Marie pour toutes ces précisions et en effet vous avez raison de le rappeler les éclairages dans les jardins privés ne sont pas du tout indispensables, loin de là. Merci infiniment d’avoir parlé de tout cela au micro de Basilic
Je suis ravie de votre intérêt. C’est vraiment un sujet passionnant parce qu’il y a beaucoup d’aspects dans cette question et cette perception de la lumière, c’est quelque chose sur laquelle on doit tous collectivement progresser, tout en gardant les avantages et l’intérêt, bien sûr, de l’éclairage.
Merci et puis à bientôt !
Oui, entendu. Merci à vous!