Cette semaine, je reçois Benjamin Perrot, cofondateur de Monsieur Marguerite. Avez-vous déjà essayé de calculer l’empreinte carbone du dernier bouquet de fleurs que vous avez acheté ? Etait-il composé de fleurs locales et de saison ? Tandis qu’au marché, la provenance des fruits et des légumes est systématiquement indiquée, chez le fleuriste, ces informations ne sont pas divulguées. Avec Monsieur Marguerite, Benjamin se bat pour que les bouquets soient garnis de fleurs coupées locales et de saison. Il nous le confirme : il n’y a pas, en France, de roses en hiver. Mais ce n’est pas grave puisque les fleurs françaises qui fleurissent et s’épanouissent en hiver permettent également de composer de merveilleux bouquets. Benjamin et son associé rêvent de revaloriser cette filière horticole. En effet, il y a à peu près 30 ans, les Pays-Bas ont mis la main sur le marché de la fleur coupée, proposant alors des prix dérisoires pour des roses, des tulipes et parfois ces fleurs ont beaucoup voyagé. Pour revaloriser cette filière, Monsieur Marguerite travaille main dans la main avec des producteurs français. Très honnêtement, avant de découvrir l’initiative de Monsieur Marguerite il y a quelques années, je n’avais pas du tout conscience de cette saisonnalité des fleurs, pas conscience non plus de l’empreinte écologique des bouquets que j’achetais. C’est aussi à nous, consommateurs et consommatrices, de poser gentiment la question à nos fleuristes afin d’éveiller les consciences. J’espère que cet épisode vous plaira, je vous laisse en compagnie de Benjamin. Bonne écoute à tous !

Bonjour Benjamin !

Bonjour Jeane

Comment vas-tu ?

Ecoute, ça va très bien. Je suis ravi d’être avec toi cet après-midi

Moi aussi, je suis ravie de te recevoir. On va parler de fleurs, aujourd’hui, donc c’est un chouette sujet qui rend heureux. Est-ce que tu peux commencer par te présenter s’il te plaît ?

Alors moi je suis Benjamin et je suis co fondateur avec Ludovic, mon associé, de Monsieur Marguerite, un fleuriste éco-responsable qui permet d’acheter en ligne des fleurs 100% françaises et surtout de saison, c’est très important. Et à titre perso, je suis marié, j’ai deux enfants, bientôt trois à l’heure où je te parle et passionné par toute la vie qu’on est en train de vivre et la transformation de notre société sur tous les niveaux que ce soit social, environnemental, sociétal… Tout ça, c’est passionnant !

Est-ce que tu as un souvenir de ton premier geste écolo, que ce soit toi, enfant ou toi, plutôt ado / jeune adulte ? 

Alors, le premier souvenir écolo, c’est dramatique parce que c’était y’a pas longtemps… Enfin c’était il y a longtemps mais pas longtemps sur l’échelle de notre vie d’homme. Je me souviens, quand j’étais petit, j’avais 8-10 ans, on jetait les papiers par les fenêtres de voiture. Mes parents klaxonnaient, s’énervaient contre les gens. Je me suis rendu compte de ça et quand on regarde en arrière on se dit : «  c’est pas possible ! ». J’ai fait un tour d’Amérique latine en 2014 et je voyais sur les strates de terre, sur les chemins, des sacs plastiques recouverts par un mètre de terre. Des sacs plastiques et des déchets en tout genre… Et je me suis dit que ce qu’on faisait il y a 25-30 ans, on le fait toujours dans plein d’endroits dans le monde. C’est dramatique ! Comment on fait pour faire prendre conscience aux gens que c’est grave ? Même encore à Paris, quand je vois quelqu’un mettre un mégot, son filtre de cigarette par terre, un mouchoir, un masque… C’est terrible alors que c’est un petit geste pour lequel on devrait absolument tous être convaincu. C’est une erreur absolue !

Toi, tu as créé Monsieur Marguerite avec l’envie de sensibiliser les gens aux enjeux de cette filière horticole et surtout de l’importation massive de fleurs coupées.

Initialement, quand on a fondé Monsieur Marguerite avec Ludovic, on connaissait les rouages de cette filière mais pas à ce point-là. On est arrivés en voulant transformer une filière qui était très traditionnelle et la transformer tant sur la façon de s’approvisionner que sur la façon de concevoir le produit que l’on achetait et évidemment sur la façon de communiquer autour de ce produit-là qui est, j’en suis absolument convaincu, un produit absolument fabuleux. Voilà, ça c’était notre envie initiale et ensuite, petit à petit, on s’est rendu compte qu’on était dans un secteur qui avait une empreinte environnementale extrêmement importante en France puisque neuf fleurs sur dix sont importées et que ces neuf fleurs sont produites soit aux Pays-Bas, sous serres chauffées et éclairées tout au long de l’année donc il y a absolument aucune fleur qui est de saison, soit elles viennent de l’autre bout du monde. On est dans un marché qui est mondialisé, on consomme des fleurs qui sont produites partout dans le monde et qui sont consommées partout dans le monde alors même que c’est un produit qui a une durée de vie limité et qui n’est, contrairement à l’alimentation, pas indispensable à la vie. Quand on regarde l’empreinte carbone de ces produits-là, c’est terrible ! En parallèle de ça, et il nous a fallu un petit peu de temps pour se rendre compte, et surtout pour pouvoir avoir nos partenaires en France, que toutes ces fleurs qu’on importe peuvent pousser en France. On a une richesse de climat en France qui est extraordinaire : dans le sud de la France avec une douceur en hiver et une forte température en été, dans la région de Hyères, mais en Ile de France également, en Bretagne, en région Anjou… C’est un secteur qui a ses travers comme beaucoup d’autres et il y a plein de choses à faire. Avec Monsieur Marguerite, on a pris l’engagement que toutes les fleurs que nous devons consommer en France doivent être françaises et surtout de saison. On entend par là qui ne sont pas chauffées ni éclairées, c’est à dire qui poussent à leur vitesse naturelle quel que soit l’endroit en France.

A quel moment est-ce qu’on a commencé à délocaliser la production de fleurs ou en tout cas à importer des fleurs de l’étranger ? Est-ce que tu as pu un peu étudier l’histoire de la fleur coupée  ?

Il y a une trentaine d’années, la filière française horticole était extrêmement forte que ce soit en Ile de France, que ce soit en Bretagne ou que ce soit dans le sud de la France, il y avait encore énormément de producteurs. Quand je dis « sud de la France », c’est beaucoup la région de Hyères, dans le Var et la région niçoise était historiquement une grande région productrice. Et finalement en trente ans, ce qui s’est passé c’est que les Pays-Bas ont vraiment pris la main sur la partie logistique du marché au niveau mondial et ils ont fait de Amsterdam et de sa région une plaque tournante de la logistique de fleurs au niveau mondial.

Pas que des tulipes …

Pas que des tulipes, non… En parallèle de ça, ils ont industrialisé de façon absolument incroyable la production de fleurs en construisant des serres sur des kilomètres et des kilomètres dans lesquelles ils ont fait pousser tout un tas de variétés. Ils ont commencé à concurrencer évidemment les producteurs français avec des roses qui sont toute l’année au même prix, avec exactement la même physionomie alors que nous, on faisait de la culture de saison. Ils ont concurrencé les producteurs français qui ont commencé à éprouver des difficultés et quand on met bout à bout sur une période de 30 ans les difficultés d’un métier agricole qui est dépendant du climat et des aléas climatiques surtout, de la pression foncière qu’il y a dans le sud de la France. Quand on est propriétaire de plusieurs hectares qui valent des millions d’euros, plutôt que de faire reprendre l’exploitation par des enfants dans un milieu qui n’est pas un milieu en pleine croissance, beaucoup d’horticulteurs en fin de carrière ont décidé de vendre leurs terrains plutôt que d’avoir des transmissions familiales. De fil en aiguille, tout le marché français s’est contracté sur la partie production et sur la partie distribution également. Aujourd’hui, il est bien plus simple d’acheter une fleur qui vient de Hollande qui aurait pu pousser au Kenya ou en Equateur que d’acheter une fleur française parce que les circuits logistiques sont beaucoup moins optimisés. Ca fait donc une trentaine d’années que la filière est en décroissance. On travaille, nous chez Monsieur Marguerite, pour que ce soit la fin de ce creux et que cette filière soit à nouveau dans une phase dynamique parce qu’il y a un marché, il y a une demande du consommateur. Il y a un marché très important et on va dans le sens de la vie : on a envie de consommer et surtout pour la planète, on a besoin de consommer des choses qui poussent naturellement à côté de chez nous et pas des choses qui sont produites à l’autre bout du monde.

Comment est-ce qu’on peut expliquer aujourd’hui que chez un fleuriste, la provenance des fleurs n’est indiquée nulle part tandis qu’au marché, la provenance des fruits ou légumes que tu achètes sera indiquée, en magasin bien évidemment aussi et qu’on a une traçabilité ? Pourquoi est-ce que pour les fleurs, on n’a pas ça ?

Tu as raison. Je compare beaucoup le monde de l’alimentation au nôtre. On a à peu près 15 ans de retard sur la culture entre l’origine de nos produits sur l’alimentaire et notre connaissance sur la fleur. Il y a quinze ans, sur les produits alimentaires, il n’y avait pas les origines et on faisait beaucoup moins attention aux saisons. Aujourd’hui en France, sur la partie fleurs, vu qu’on n’ingère pas, l’exigence de traçabilité est bien moindre. Ca, c’est un premier fait et puis un bouquet de fleurs ou une fleur d’une variété a à peu près la même tête qu’elle pousse à l’autre bout du monde ou en France. C’est très difficile de se rendre compte de tout ça, c’est un vrai problème. Après, c’est une question de marque. On travaille, nous, avec l’inter-profession, le label « Fleurs de France » mais aussi avec le collectif de la fleur française pour faire en sorte que le consommateur se rende compte que les fleurs ont des saisons exactement comme nos fruits et légumes et ainsi avoir des éléments de démarcation dans les boutiques, en ligne pour s’assurer que le produit qu’on est en train d’acheter est bien de saison française et pas de saison de l’autre bout du monde. C’est ça notre travail, on en est seulement au début mais il y a une vraie demande en tout cas.

Quand vous êtes allés à la rencontre de ces horticulteurs, quand vous leur avez parlé de votre projet, comment est-ce que ça a été accueilli ? J’imagine qu’ils étaient un peu méfiants, eux, qui ont vu la filière s’effondrer. Est-ce qu’ils y croyaient, ils avaient envie d’y croire ou ils étaient un peu désemparés ? 

Oui… Nous, notre engagement, c’est que 100% de nos fleurs soient françaises et de saison donc on est extrêmement exigeant aussi avec eux sur la façon dont ils cultivent leurs fleurs, sur le fait qu’on ne veut pas qu’ils chauffent. La plupart d’entre eux ont pris notre arrivée avec beaucoup de plaisir. En tout cas, ils nous attendaient au tournant parce qu’on est les seuls à faire du 100% français et que, jusqu’à prouver que c’est possible, les gens nous croient pas. On l’a fait, ils nous croient et puis maintenant on est des contractants, on est des gros clients pour eux donc ils nous font confiance. On est dans une vraie relation de partenariat et pas de relation simple client-fournisseur. On connaît nos difficultés de façon respective et du coup, on avance main dans la main et la filière ne pourra grandir que si on continue à avancer main dans la main. C’est fondamental parce que c’est un métier qui est très, très compliqué. Il y en a d’autres qui ont été très sceptiques sur notre démarche, sur notre capacité à gérer cette logistique entre une petite exploitation et Paris. Mais on travaille, on travaille beaucoup, on essaie de leur montrer que c’est possible. On essaie surtout de leur montrer là où on veut arriver et leur faire prendre conscience qu’à Paris, on ne devrait consommer que des fleurs qui sont produites en Ile de France. C’est notre vision un petit peu du marché si je devais me projeter dans quelques années.

Que ce soit avec Monsieur Marguerite ou dans tous les fleuristes de Paris ?

Bien sûr ! La volonté, c’est vraiment que ce soit le marché qui soit structuré comme ça. Là, je parle de la fleur coupée et c’est un marché qui est important en France, il y a 15 000 fleuristes. L’objectif c’est que le marché partout en France soit structuré avec une grande majorité de fleurs françaises. Monsieur Marguerite est le premier fleuriste à prendre ces engagements-là au niveau national et on sera moteur dans la transformation de ce marché parce que les producteurs ont, eux aussi, besoin de garantie. Ce sont des chefs d’entreprise, ils ont besoin de quelques garanties et d’avancer avec une vision. Ca, c’est très important. En plus du marché de la fleur coupée qui est notre métier initial, on s’attaque maintenant au marché du végétal au sens plus large, avec les plantes d’intérieur, d’extérieur qui ont, elles aussi, un impact environnemental qui est plus important qu’il ne devrait être en réalité parce qu’on ne consomme pas que des plantes de saison. Ce sont des plantes qui peuvent venir d’Europe ou d’ailleurs mais qui ont été cultivées de façon intensive et pas de saison donc on s’attaque aussi à ça maintenant.

C’est le nouvel enjeu pour vous ?

Oui parce que, comme tu me le disais tout à l’heure, on croit qu’avec les fleurs et les plantes on fait venir la nature chez soi. Mais non, aujourd’hui force est de constater que ce n’est pas ça ! L’inconscient des gens doit devenir la réalité, c’est à dire que ce soit vraiment de la nature. Nous, on s’amuse avec ça, avec les saisons pour vraiment avoir des produits qui poussent naturellement, si possible en plein champs ou sans serres, sans être chauffés, ça c’est une obligation. La beauté du produit est là alors que des produits qui sont importés et qui sont plein de produits phytosanitaires, qui ont consommé énormément de co2 pour grandir, pour nous, ça a beaucoup moins de charme. Ce n’est pas la nature, ce qui est transformé n’est pas la nature, ce qui est poussé à fond n’est pas la nature.

C’est difficile, je pense, de sensibiliser les consommateurs sur ces questions-là parce que les réseaux sociaux et notamment Instagram ont encensé le monde végétal, ont encensé le fait d’avoir beaucoup de plantes chez soi sans donner cette notion d’écologie derrière.

Je suis d’accord avec toi. Je n’ai pas beaucoup de mots. Je trouve ça très dommage mais il faut pas dire que tout est négatif…

Non, bien sûr …

C’est pas du tout le message que je veux faire passer ou que Monsieur Marguerite veut faire passer. Ce qui est important, c’est d’avoir une vision et de se dire que notre filière, à son niveau, doit avoir l’engagement de réduire son impact environnemental et en l’occurrence, pour réduire notre impact environnemental, c’est de travailler sur un produit plus clean et moins intensif. Effectivement, pour un nombre important de plantes vertes qu’on a chez nous, elles sont bien chez nous, elles sont plus ou moins résistantes en fonction de la qualité de la production mais c’est une plante verte qui a poussé sous serres chauffées et éclairées pour reproduire des climats plus ou moins chauds ou tropicaux quelle que soit la saison de l’année et ce qui fait que c’est plus une plante de saison.

Est-ce que vous avez essayé de calculer l’empreinte carbone d’une fleur coupée ou d’une plante en prenant en compte, j’imagine, tout ce qu’il faut prendre en compte donc le transport, les produits phytosanitaires, l’eau…? Est-ce que vous avez essayé de faire ce genre de calcul ? Est-ce que c’est faisable ?

Oui, c’est faisable parce qu’aujourd’hui les modèles d’analyse de cycle de vie d’un produit permettent de faire toutes ces études. En l’occurrence, les chiffres qui existaient avaient été faits par les Pays-Bas donc c’est assez compliqué. Globalement, un bouquet de roses en France, ce serait entre 25 et 30 kg de co2, c’est à peu près un aller retour à Londres en avion par personne pour un bouquet là où une fleur qui est de saison donc qui va être cultivée sans être chauffée, sans être éclairée, avec un minimum de produits phytosanitaires, voire pas du tout dans certains cas, a un impact environnemental jusqu’à 20 fois moins élevé. Il y a une grosse différence.

En tant que consommateurs si on se rend chez le fleuriste et qu’on demande la provenance, est-ce que le fleuriste est en capacité de nous dire ou finalement, quand ils s’approvisionnent à Rungis ou dans d’autres grands marchés comme ça, ils ont pas vraiment de visibilité ?

S’ils l’ont eux-mêmes demandé à leurs fournisseurs, à leurs grossistes, ils ont la capacité de le savoir. Tous les lots sont à peu près tracés parce que les Pays-Bas ont cette traçabilité-là mais on ne sait pas ce qu’il y a dedans. Les toutes petites roses que vous avez en grande distribution coûtent quelques euros, on sait qu’elles ont poussé en Afrique mais on ne sait pas ce qu’il y a dedans, quels produits phytosanitaires, dans quelles conditions ça a été produit. Au-delà même du pays d’origine, il y a toute une culture du monde du végétal, par quoi on est entouré, quelle est la saison en ce moment, quelles fleurs poussent naturellement en cette saison et ensuite son origine, la façon dont ça a été cultivé… C’est un marché qui est compliqué parce que le niveau de connaissance est assez technique donc pas forcément facile à lire pour tout le monde, ni pour le consommateur, ni pour le fleuriste qui lui a une logique assez naturelle de se dire : « j’ai besoin de roses blanches, je vais acheter des roses blanches. ». Quand la filière n’est pas 100% transparente en amont, que ce soit des roses blanches qui viennent d’ici ou de là-bas, c’est pas la même chose. C’est vraiment un sujet qui est compliqué pour les fleuristes à approcher d’autant plus qu’avec neuf fleurs sur dix qui viennent des Pays-Bas, tu as bien compris que les circuits d’approvisionnement et de logistique passent par eux donc c’est plus facile de cliquer sur un bouton et d’acheter dix roses et puis on verra bien ce qu’il en est.

Vous, quand vous recevez les fleurs coupées de la part de vos producteurs, vous recevez tout dans un entrepôt ? Comment est-ce que vous faites pour limiter aussi votre empreinte, limiter les déchets ? Comment ça se passe ?

Notre atelier est à Saint Denis, c’est à Saint Denis qu’est toute l’équipe et qu’on reçoit toutes nos fleurs. Une partie de nos fleurs vient d’Ile-de-France donc de producteurs qui sont dans la région et une autre partie vient du sud de la France et on a des flux qui viennent de Bretagne de façon plus ponctuelle. Dans la mesure où on n’a aucune fleur qui est en production intensive, on a des arrivages de fleurs qui sont très variés. Nous, notre promesse est de faire de très beaux bouquets mais dont la composition reste surprise mais on donne des éléments d’informations sur la composition du bouquet. C’est un élément très important qui nous permet de faire très peu de déchets, très peu de perte puisqu’on n’a pas de catalogue. Si on n’a plus de giroflées pour un bouquet, on va remplacer la giroflée par une autre fleur et le client, lui, il aura toujours un beau bouquet, harmonieux et avec le volume correspondant à ce qu’il a acheté. Ca, c’est notre façon à nous d’avoir des approvisionnements qui sont beaucoup plus raisonnés et responsables et de limiter notre perte puisque ça nous permet de dispatcher les différentes variétés en fonction de leur date d’arrivée. On se fait livrer trois à quatre fois par semaine à l’atelier et les rares fois où on a de la perte soit on les valorise dans des circuits associatifs et quand ce n’est pas possible, ce sont des déchets verts. Même nos déchets verts quand on coupe des tiges ou autre sont retraités par une association qui est sur l’île Saint-Denis à 600 mètres de notre atelier, qui en fait du compost et ce compost-là, on le réutilise dans notre offre de plantes pour les balcons et les terrasses. C’est notre compost qu’on intègre dans le terreau. On cherche à vraiment valoriser toute cette chaîne et évidemment à limiter les pertes mais là on parle bien de nos pertes et il y a aussi les pertes des producteurs qui peuvent avoir des invendus. On travaille avec eux, je vais pas dire tous les jours, mais quasiment tous les jours sur leurs plans de production pour faire en sorte qu’ils aient un minimum de perte de leur côté pour, encore une fois, limiter l’impact non pas que de Monsieur Marguerite mais l’impact également de la filière  en amont. On a encore plein de progrès à faire sur l’optimisation du transport en amont évidemment, sur l’optimisation du transport de livraison. On est une société de e-commerce donc tout ce qui région parisienne est très bien livré avec un impact très faible : 99% en circuit électrique donc ça, c’est super. Le reste de la France est livrée par des expressistes qui n’ont pas forcément la volonté d’améliorer leur impact environnemental. On fait les choses étape par étape, on améliorera ça après …

Pour imaginer les bouquets, est-ce que toi, tu avais la capacité de le faire ou vous vous êtes faits accompagner de fleuristes, de designers, comment on dit ?

Ce sont des fleuristes qui ont cette fibre créative et artistique, qui connaissent parfaitement leurs produits. C’est le travail de mon associé Ludovic avec toute l’équipe de fleuristes. Nous, on a notre vision de ce qu’est la marque Monsieur Marguerite, de la façon dont on conçoit le végétal à la maison, dont on conçoit un bouquet de fleurs à offrir. On laisse le soin à notre équipe de fleuristes qui est super, ils sont tellement forts… On a une idée en tête et ils nous font des choses qui sont merveilleuses. On vient de lancer un nouveau bouquet de feuillage qu’on ramasse en forêt et c’est absolument somptueux. C’est le summum de ce que Monsieur Marguerite prône : on ramasse quelque chose dans le jardin ou en forêt et on en fait un beau produit dans un vase à la maison. C’est ça qu’on offre avec ce produit « Lisière de forêt ». On les laisse faire parce qu’on peut avoir une idée mais les leurs seront toujours mieux exécutées que les nôtres. On s’est fait entourer très vite.

Et tu nous confirmes qu’il est donc possible d’avoir de beaux bouquets de fleurs tout au long de l’année.

Oui, toute l’année en France, on a de très beaux bouquets de fleurs avec des variétés qui changent. Il y a des saisons qui sont plus difficiles que d’autres, où il y a un peu moins de choix. Novembre, décembre, ça commence à être compliqué même si en décembre, on a le début des fleurs d’hiver avec les premières anémones, les premières renoncules… Il va y avoir quelques semaines où les volumes sont moindres puisque les températures commencent à baisser donc les cycles de production s’allongent. Il y a moins de volume mais ça pousse quand même, on laisse le temps à la nature de pousser. En même temps, c’est ce que je disais sur ce fameux bouquet « Lisière de forêt », ce qu’on est venu chercher c’est juste se dire : « on est en automne, les forêts sont magnifiques, les couleurs sont absolument splendides. Il y a des fruitiers, il y a des feuillages, il y a des branchages et tout ça, ça fait des beaux produits ». Au moment où il y a moins de fleurs, il y a ces produits-là et on pense qu’embellir la vie des gens et embellir le quotidien des gens qu’on aime, c’est chouette de le faire avec des produits aussi authentiques que ça. Même s’il y a un peu moins de fleurs, on trouvera toujours des palliatifs pour faire en sorte qu’on puisse embellir avec de très, très beaux produits. Notre engagement de faire de la fleur de saison et française n’est pas du tout au détriment de l’esthétique. C’est très important de le dire parce que on n’est pas des rêveurs, on reste très pragmatique dans l’approche et si nos produits ne sont pas beaux, ne sont pas esthétiques, les consommateurs ne les achèteront plus et notre démarche sera rendue caduque. C’est pas du tout l’objectif …

Il faut aussi parvenir, en tant que consommateurs, à se détacher de cette idée qu’un anniversaire de mariage doit être célébré avec un bouquet de roses par exemple. Il faut aussi, je trouve, nous en tant que consommateurs, prendre conscience qu’il existe des saisons pour les plantes, quelque chose qu’on conscientise pas tout le temps …

Oui, du tout. De la même façon qu’on ne mange plus beaucoup de tomates en France en hiver, au mois de décembre des roses, il y en a pas en France. Des roses cultivées de façon raisonnée c’est à dire sans chauffage, sans éclairage, on en trouve, en France, entre avril et octobre, fin octobre…

C’est déjà pas mal …

Ce qui est déjà pas mais effectivement ça pose le souci des roses pour la Saint Valentin. C’est pas du tout la saison des roses pour la Saint-Valentin ! On a fait de cette fête une fête pour les roses, une fête commerciale, juste pour dire « je t’aime” à quelqu’un. Au final, dire aux gens qu’on aime qu’on les aime, ça vaut le coup de le faire avec des fleurs de saison qui ont un impact 20 fois moins important. En tout cas, je ne pense pas que ça change le message, j’en suis absolument convaincu. Ca limite notre impact sur la planète. Ce sont ces petits gestes du quotidien qu’on n’a pas parce qu’on n’a pas conscience des saisons des fleurs.

Je trouve que, néanmoins, il y a quand même une prise de conscience et vous y avez largement contribué notamment sur la dernière Saint-Valentin. Moi, personnellement je ne fête pas la Saint Valentin mais j’observe ce qui se passe et vous avez quand même contribué à cette prise de conscience. Peut-être que c’est parce que maintenant je traîne trop dans le milieu écolo mais j’ai l’impression qu’on arrête de consommer des roses n’importe quand ou en tout cas qu’on en a un peu plus conscience.

Oui, on est sur le bon chemin. La conscience évolue, la période du covid nous a aussi ouvert les yeux sur notre façon de consommer et ça c’est très, très positif. Maintenant, ça va prendre du temps parce que c’est de l’éducation. Quand je dis d’éducation je pense même qu’il faudrait des cours pour nos enfants très tôt sur ce qu’il y a dans la forêt, comment ça pousse, pourquoi… Cette notion de la terre, c’est la clé. Quand on préférera faire de la saison d’un végétal plutôt que de la saison commerciale, on aura tout gagné. Ca va prendre un peu de temps mais effectivement, tu as raison, on a fait beaucoup de progrès. C’est grâce à tous les efforts qui sont faits par les différents labels, les collectifs, d’autres acteurs un peu engagés comme nous et ça,  c’est fort ! Grâce aux médias aussi qui nous donne la parole, grâce à toi qui me donne la parole aujourd’hui. C’est très important ce bouche à oreille, quand les gens qui auront entendu cette émission vont rentrer chez eux en se disant « mais oui mais les fleurs ont des saisons c’est quelque chose de dingue ». Demandez à votre fleuriste sur un marché ou votre fleuriste de quartier d’où viennent les fleurs si ce sont des fleurs de saison et pourquoi c’est une fleur de saison et d’où elle vient en France, pourquoi, comment … C’est très important parce que c’est comme ça qu’on arrivera à vraiment transformer les choses.

C’est aussi prendre conscience que l’écologie au sens large est partout en fait … Je pense qu’on a pas mal balayé ce sujet-là. Est-ce que vous, vous avez de futurs projets avec Monsieur Marguerite ? Avant qu’on enregistre l’épisode, tu m’as parlé de jardinières, de végétal, de plantes …

C’est exactement ça ! Monsieur Marguerite s’est lancé avec la fleur coupée donc on vend des bottes et des produits de saison, des fleurs et des bouquets de fleurs de saison. On a un grand rêve qui en passe de devenir réalité c’est de faire en sorte que nos villes soient fleuries et soient fleuries de façon la plus responsable possible. On a lancé une jardinière en bois 100% française issue de forêts gérées de façon éco-responsable, faite par des artisans français avec des plantes françaises, de saison où on promet que chacun puisse avoir un balcon fleuri tout au long de l’année. On se dit que dans toutes nos villes en France, si on avait tous, en fonction des saisons, un balcon fleuri, on pourrait, grâce aux plantes et aux fleurs mellifères, recréer une biodiversité dans les villes et on reverrait nos abeilles. En plus de ça, on créerait un cadre de vie dans les villes qui serait très agréable puisqu’on aurait de la verdure, on aurait de la couleur et quand on lèverait la tête, on aurait des façades qui seraient fleuries. On s’est rendu compte que c’était une vraie demande des consommateurs d’embellir leur quotidien. On a créé ce produit-là pour leur permettre de le faire avec une démarche 100% responsable de a à z sans avoir des jardinières en plastique, sans avoir des plantes dont on ne connaît pas l’origine. Nous, on assure tout ça derrière. On a envie que le printemps soit un très beau printemps pour prendre conscience de ça et pour que nos villes soient davantage fleuries et, parce qu’il faut le savoir, un balcon peut fleurir toute l’année avec de très belles fleurs.

Génial, ça c’est une bonne nouvelle c’est vrai que là quand on regarde par la fenêtre il n’y a pas beaucoup de plantes, pas beaucoup de fleurs…

Il y a du boulot … Et il y a tout le reste du travail sur la fleur coupée : on est embarqué dans une démarche à long terme où il va falloir re-dynamiser et faire en sorte que ça fonctionne. Il y a encore beaucoup de travail mais on a beaucoup d’énergie et surtout beaucoup de passion et on est une équipe hyper engagée donc c’est super !

Merci beaucoup, Benjamin.

Merci, Jeane.

A bientôt !

Au revoir !