Cette semaine, je reçois Marie. Marie est doula depuis plusieurs années et aujourd’hui, elle nous fait découvrir son incroyable métier. J’espère que cet épisode vous permettra d’en savoir un peu plus sur ce métier encore méconnu en France. Un épisode un peu différent qui, je l’espère, vous plaira. Bonne écoute à toutes et à tous !
Bonjour Marie !
Bonjour Jeane !
Comment vas-tu ?
Ca va très bien. Merci de me recevoir ce matin pour me donner la parole.
Je suis ravie de te recevoir au micro de Basilic. On est à Annecy toutes les deux. Tu vas nous parler d’un métier peu connu qui est le métier de doula que tu exerces maintenant depuis 4 ans. Est-ce que d’abord tu pourrais commencer par te présenter, s’il-te-plaît ?
Je m’appelle Marie, j’ai 33 ans, je suis annécienne. J’ai vécu à Annecy de nombreuses années, pendant mon enfance, je suis partie dans le sud et je suis revenue ici pendant la vingtaine. J’ai tout d’abord été formée au métier d’auxiliaire de puériculture et ensuite, j’ai pas vraiment tout de suite pratiqué en tant qu’auxiliaire parce que j’ai rencontré un amoureux qui m’a fait voyager. On a vécu un petit peu en Norvège, on est allés en Thaïlande, au Népal. Les fois où je revenais en France, j’ai eu l’occasion de travailler sur des courtes périodes en milieu hospitalier, notamment dans les urgences pédiatriques, en service de maternité, en salles de naissance, Mon expérience sur le terrain en France était un peu frustrant pour moi parce que je ne me sentais pas la liberté de pouvoir pratiquer mon travail avec le coeur. Un exemple qui me vient, d’une fois où une maman venait d’accoucher de jumeaux, je faisais ma tournée du matin dans les chambres, au bout de quelques jours, chute d’hormones pour cette maman, elle n’était pas bien, elle pleurait beaucoup. J’ai pris le temps de rester avec elle dans sa chambre pour échanger et en sortant de la chambre, je me suis fait reprendre par la cadre qui me disait que je passais beaucoup trop de temps avec les patientes. Je crois que cet évènement a été vraiment un moment charnière dans mes choix professionnels où j’ai par la suite décidé d’arrêter de travailler en France. J’ai eu l’occasion de pratiquer au Népal dans une maternité, en salle de naissance. Là, ça a été une expérience complètement différente où j’ai été confrontée à un système médical qui était peut-être celui de la France il y a 50 ans, avec des lits les uns à côté des autres, des moyens très faibles. Ca a été une expérience très enrichissante mais aussi très difficile pour moi, de voir tout ça. Après j‘ai fait une petite pause, j’ai continué mes voyages, j’ai fait d’autres expériences professionnelles. C’est au bout d’un an de vie en Thaïlande que j’ai commencé à ressentir l’appel de faire quelque chose de plus grand. J’avais fait ma petite expérience de vivre d’amour et d’eau fraîche sur mon île au milieu de l’océan et là, j’avais envie de rentrer pour reprendre des études de sage-femme. Je suis rentrée en France, je me suis inscrite à la fac de médecine et au bout de quelques mois à la fac, je me suis vite aperçue que ça ne me correspondait pas du tout, que le milieu que j’avais quitté auparavant en tant qu’auxiliaire-puéricultrice, j’allais exactement le retrouver. C’était la même chose dans le métier de sage-femme. Petite claque à nouveau. A ce moment-là, je fais des recherches sur internet et je découvre le métier de doula. Je me dis : « Waouh, c’est génial ! C’est exactement ça ! » C’est tout l’accompagnement sans le côté médical, sans tous les protocoles. On peut vraiment aller dans l’individualisation du suivi. J’étais vraiment emballée. Mais à ce moment-là, je n’étais pas encore maman et je me suis posée la question de la légitimité. Je me suis dit « OK c’est chouette, ça me passionne depuis toujours, le milieu de la périnatalité m’attire. Mais je ne l’ai pas vécu dans mon corps, comment vais-je pouvoir accompagner une femme qui accouche ? » La petite graine a été plantée à ce moment-là. Je suis repartie en voyage. Au bout d’un an, je suis tombée enceinte à l’étranger. J’ai fait mon début de grossesse et je suis rentrée à Annecy environ au 3è mois. Je poursuis ma grossesse ici, je ne me fais pas accompagnée par une doula malgré que j’en ai connaissance à ce moment-là. Je pensais être très informée, j’avais lu beaucoup de bouquins. Le premier livre sur le sujet que j’ai eu entre les mains, je me souviens j’avais 19 ans, c’est ma maman qui me l’avait offert pour un anniversaire, ça s’appelle Pour une naissance sans violence de Frédérick Leboyer et ça avait été pour moi une révélation en lisant ce livre. Ca faisait un moment que j’étais là-dedans et au moment où je suis enceinte, je me dis «J’ai plein de clés, je fais un projet de naissance, je vais à la maternité, je suis bien prête ».
Tu ne t’es pas du tout faite accompagnée, même pour les cours de préparation à l’accouchement ?
Si, j’ai fait un suivi classique et pour tout ce qui était à côté, plus nature, je m’étais préparée toute seule. Arrivée au moment de la naissance, j’arrive à l’hôpital, mon conjoint est étranger, depuis le départ sa position auprès de la femme qui accouche était quand même assez claire, c’est quelque chose avec laquelle il n’était pas forcément à l’aise mais à ce moment-là je crois que j’étais encore pleine d’injonctions, de ce qu’on peut voir dans la société en disant le papa doit être là, le papa doit être ton coach, il doit te tenir la main. A ce moment-là j’étais comme ça. J’ai pas vraiment entendu son besoin, son souhait, sa demande. Pour moi, on l’avait fait à deux, il fallait qu’il soit là. Effectivement, il a été là mais il n’a pas été en capacité de m’apporter tout le soutien dont j’avais vraiment besoin à ce moment-là. J’ai vécu cette naissance vraiment dans la solitude. A un moment donné, je gérais et à la dilatation de 6 cm, j’ai commencé à sentir que j’avais besoin de la présence de quelqu’un de solide, quelqu’un qui portait l’espace pour m’accompagner, une main à laquelle me tenir, quelqu’un qui croit en moi. Je sentais la peur, même plutôt la panique dans les yeux de mon conjoint qui me regardait vivre ça, je le voyais complètement désemparé. A ce moment-là, la sage-femme arrive en grande sauveuse en me proposant la péridurale : premier refus, deuxième refus, la troisième fois : « Ok je la prends, je n’en peux plus ». Bref, je ne vais pas raconter tout mon accouchement mais tout ça ont été des éléments qui m’ont amenés au métier de doula. Une fois que je suis devenue maman, j’ai compris tout le sens de cette profession et moi, ce qui m’a manqué à ce moment-là c’était vraiment cette présence rassurante, cette présence féminine aussi. J’ai laissé quelques années passées, le temps de m’occuper de ma fille et d’avoir aussi plus de temps libre. Quand elle avait 3 ans, je me suis formée à l’institut Doulas de France à Lyon et très rapidement j’ai rencontré un couple qui m’a demandé de les accompagner pour la naissance de leur bébé. Je n’avais pas encore terminé ma formation mais je me suis dit « Super ! La vie fait que les portes s’ouvrent, j’y vais, je me lance, ça va être enrichissant. » Et effectivement, j’ai eu beaucoup de chance parce que le couple que j’ai accompagné était suivi par une sage-femme libérale qui accompagnait les naissances en plateau technique c’est-à-dire une salle au sein de l’hôpital qui est mise à disposition pour les sages-femmes libérales et donc c’est la sage-femme libérale qui vous suit pour toute la grossesse qui vous accompagne également le jour de la naissance et s’il y a une complication médicale, c’est l’équipe médicale hospitalière qui intervient directement. Je me retrouve avec ce couple et cette sage-femme libérale qui en plus est la présidente de l’ordre des sages-femmes de la région. Super contact, super feeling, elle me présente au service et très rapidement, on a une vraie coopération qui s’installe. Elle sait que je suis aussi auxiliaire-puéricultrice, tout de suite elle me fait confiance, elle me propose de l’accompagner dans les soins des nouveaux-nés. C’était une vraie collaboration et ça a été une première expérience merveilleuse. L’accouchement s’est très bien passé, un bébé né dans l’eau, tout en douceur. Ca a été fantastique. De fil en aiguille, le bouche à oreille a fonctionné et j’ai pu accompagner de plus en plus de couples et maintenant ça fait 4 ans que je fais ça. Par rapport à mon cheminement de formation, j’ai fait cette première formation avec l’institut Doulas de France.
Est-ce qu’il y a qu’un seul institut qui forme les doulas en France parce que c’est un métier quand même peu connu et peu représenté ?
Non, il n’y a pas seulement l’institut Doulas de France, il existe d’autres organismes de formation qui ne sont pas tous en présentiel. Pour moi, c’était important de faire cette formation en présentiel parce que c’est un métier humain, d’accompagnement, de relationnel et ça me semblait vraiment important de pouvoir me former en vivant l’expérience humaine dans un groupe. Ca a été une formation qui a duré 9 mois avec des week-ends tous les mois et un travail de réflexion sur notre propre histoire, avec des exercices, des jeux de rôle au sein des élèves. C’était vraiment intéressant. Mais effectivement, il existe d’autres formations en ligne aussi qui sont proposées actuellement. Ca, c’est les formations de base pour devenir doula mais à côté de ça, il existe tout un tas de formations. Et chaque doula, en fonction de ses passions, de ses envies, de ses spécificités va pouvoir aller se former et se spécifier dans tel ou tel domaine. Moi, ce qui m’a intéressée ensuite, c’était de me former à une approche plus physiologique, plus naturelle de l’accouchement et j’ai eu l’occasion de rencontrer un homme sage-femme traditionnel de Colombie et de me former auprès de lui. Ca a été vraiment très complémentaire et très intéressant. Et à côté de ça, je me suis formée avec une autre sage-femme traditionnelle mexicaine. La culture sud-américaine a su garder toute la pratique traditionnelle de l’accompagnement des naissances et je pense qu’on a beaucoup à apprendre parce qu’on a perdu tout ça aujourd’hui avec la sur-médicalisation des naissances en France. Je suis allée chercher des connaissances par là-bas. Et puis à côté de ça, je me suis formée spécifiquement sur le deuil, sur l’accompagnement des IVG, des fausses couches, sur le streptocoque B… pour avoir des petits outils en plus dans ma mallette de doula.
Quand est-ce qu’on fait appel à une doula ? Quand est-ce qu’on en ressent le besoin ? Qu’est-ce que tu arrives à identifier chez les couples qui font appel à toi ?
La doula, elle est là pour accompagner au moment de la grossesse, principalement. C’est comme ça qu’on est le plus connu. On va être un soutien émotionnel, un soutien logistique, un soutien pratico-pratique. Il n’y a aucun accompagnement qui se ressemble. Ca va vraiment dépendre de l’histoire de chaque couple. On est là en complément d’un suivi médical et on va créer du lien en intervenant à domicile. Moi, je me déplace, je vais les gens, on instaure une relation de confiance, une relation d’intimité qui est très importante surtout si ma présence est souhaitée lors de l’accouchement. On intervient aussi à la naissance et en post-natal. Mais on peut aussi accompagner tous les moments de vie d’une femme en lien avec sa féminité. Ca peut être un accompagnement pour la conception, pour une fausse couche, une IVG, ça peut être aussi un accompagnement sur un deuil périnatal. C’est tout ce qui touche à la famille, à la féminité, à la sphère maternelle. Mais on est aussi là pour le papa et pour les hommes, c’est important de le rappeler parce que moi j’aime beaucoup travailler avec les papas. On forme une belle équipe ensemble pour accompagner la maman au moment de l’accouchement. La doula, c’est un métier multi-facettes.
On visualise peu un accouchement avec une troisième personne mais toi, tu n’es pas non plus là pour te substituer au papa, au contraire …
Non, pas du tout. On est vraiment une équipe. C’est ce que je dis au papa quand on se prépare, c’est que tous les deux, on va être les gardiens de l’espace sacré dans lequel la maman va accoucher. Un accouchement, des fois ça peut être rapide, mais des fois ça peut être aussi plus long. Les papas sont bien contents aussi d’avoir un relais, on est vraiment là l’un pour l’autre à se soutenir. Parfois, moi je vais pouvoir appuyer sur des points d’acupression dans le bas du dos de la maman, la masser pendant que la maman, elle est suspendue aux épaules du papa. On échange. Parfois, le papa a besoin d’aller boire un café, de prendre 5 minutes pour souffler selon ce qui peut se passer, il se l’autorise parce qu’il sait que sa femme n’est pas seule et que je suis là. C’est une relation qui se construit pendant tout le long de la grossesse et qui devient presque amicale. Il n’y a vraiment pas de substitution du rôle du père, c’est très complémentaire de travailler avec le couple.
J’ai dit papa mais évidemment ça peut être d’autres mamans, d’autres papas…
Bien entendu.
On parle de tous les couples dans ce podcast, c’est bien évident. J’ai dit le papa et la maman mais c’est un réflexe. J’imagine que tu peux accompagner tous les couples.
Tout à fait. Des couples lesbiens, des couples homosexuels, il n’y a vraiment aucune discrimination de genre dans les accompagnements que l’on propose en tant que doula.
Ce métier de doula, il s’articule avec celui de sage-femme mais est-ce que c’est pas aussi parce que les sages-femmes n’ont plus beaucoup de temps, n’ont plus assez de temps à consacrer aux mamans, aux couples, qu’on a besoin de ces doulas ?
C’est sûr que l’émergence du métier de doula vient aussi combler un manque que l’on trouve dans l’accompagnement médical de la grossesse. Mais pour autant, on est vraiment complémentaire parce ce que nous, on n’a aucune compétence médicale en tant que doula. On est vraiment là pour du soutien, de l’accompagnement au niveau relationnel. Moi, j’aime beaucoup travailler avec les sages-femmes, il y en a plusieurs dans la région avec qui je travaille en binôme et on va pouvoir partager ensemble nos ressentis sur un couple, sur une femme pour pouvoir ensemble mettre des moyens en action pour accompagner une personne dans sa spécificité, dans sa problématique. Il y a cette fausse idée reçue de compétition entre sages-femmes et doulas mais notre métier n’a rien à voir avec celui de sage-femme. On a besoin des sages-femmes, elles font un métier formidable. C’est très important de le dire parce qu’elles exercent dans des conditions qui sont, aujourd’hui, rudes. Je pense aussi aux sages-femmes qui exercent en libéral pour accompagner les naissances à domicile. Il faut savoir qu’aujourd’hui le gouvernement français ne soutient pas les sages-femmes. Il y a des organisations qui oeuvrent pour que les sages-femmes qui souhaitent accompagner les naissances à domicile puissent faire évoluer leurs droits. Par exemple, une sage-femme qui veut accompagner une naissance à la maison doit souscrire à une assurance qui, aujourd’hui en France, est au tarif de 20 000 euros l’année, autant dire que c’est impossible pour une sage-femme de se payer une assurance à ce prix-là. Ce qui se passe aujourd’hui en Haute-Savoie, c’est que les sages-femmes qui accompagnent les naissances à domicile se sont installées en Suisse et ont une permission de traverser la frontière pour les naissances à domicile mais ça engendre un surcoût qui reste quand même assez conséquent et qui n’est pas à la portée de toutes les familles. Voilà où on en est, pour faire court sur la situation des sages-femmes en France. Les sages-femmes avec lesquelles je travaille sont très contentes de cette complémentarité qu’on peut avoir ensemble.
C’est indispensable. Et on en parlait un petit peu avant d’enregistrer l’épisode, mais comme tu disais, tout est cloisonné au final. On va avoir rendez-vous avec sa sage-femme ou son gynéco et il y a très peu de communication alors que ça devrait être un moment où on partage tout, un moment où on est là pour soutenir le couple, l’arrivée de ce bébé. C’est vrai que c’est ce qui ressort beaucoup quand on échange avec des jeunes mamans ou même des futures mamans sur le suivi de la grossesse. Le ressenti est le même. Est-ce qu’il y a des pays dont on pourrait s’inspirer en France ? On a la chance d’avoir un système de santé qui permet à tout le monde d’accéder aux soins, ça c’est sûr et ce n’est pas le cas partout (pour avoir accoucher à l’autre bout du monde, j’en suis bien consciente) Néanmoins, est-ce qu’il y a des pays qui considèrent la maternité différemment, la parentalité et tout cet univers périnatal ?
Ce qui me vient tout de suite en tête, c’est tout ce qui est pays scandinaves. On a un très beau modèle qui n’est pas si loin que ça. Dans les pays scandinaves, la femme est vraiment au centre du suivi médical. Il y a moins ce cloisonnement qu’on peut avoir chez nous en France. Une femme que j’ai accompagnée me racontait l’accouchement de sa cousine aux Pays-Bas où la sage-femme venait tous les jours en post-natal, elle venait cuisiner, elle venait prendre soin d’elle, faire le suivi médical mais à côté de ça, elle avait aussi une autre mission de prendre vraiment soin de la maman. Effectivement, ça peut s’apparenter au métier de doula. C’est sûr que dans ces pays-là, le métier de sage-femme est différent d’en France.
Est-ce que, en France, le métier de sage-femme a toujours été telle qu’il est aujourd’hui ? Ou est-ce que, compte-tenu des contraintes qui leur sont imposées, elles ont été obligées, elles aussi, de revoir leur planning et finalement le temps accordé aux parents et aux bébés ?
Je pense que les sages-femmes seraient mieux placées pour répondre à cette question. mais de ce que j’ai pu entendre et observer, c’est les conditions de travail, surtout en milieu hospitalier, qui font que les sages-femmes sont sous pression, elles n’ont pas le temps d’être vraiment au service de la femme. Quand je vais en milieu hospitalier pour accompagner une naissance, elles sont débordées, elles ont des dossiers à remplir, elles passent de chambre en chambre, c’est la course, les moyens qu’on leur donne sont insuffisants. Je pense que leurs conditions de travail se dégradent effectivement.
Tu le disais, en parallèle de cet accompagnement que tu peux donner aux futurs parents, tu t’es aussi formée à différents soins parce que ça t’intéresse et parce que tu as envie de proposer le plus de choses possibles pour accompagner la maman. Quels soins est-ce que tu pratiques aujourd’hui ? Quelles sont tes inspirations, peut-être encore des pays sud-américains ?
J’aime beaucoup les voyages, j’aime bien aller chercher ce qui se passe ailleurs., se ré-approprier les connaissances et les savoirs ancestraux qu’on a perdus dans notre culture. Je me suis formée à la pratique du soin Rebozo qui est un soin rituel originaire du Mexique qui consiste à masser la maman à quatre mains, donc on est deux femmes à transmettre ce soin. On la masse de la tête au pied, ensuite on l’invite à prendre un bain de vapeur. On a tout le matériel quand on va à domicile pour proposer ces soins. On a une petite tente dans laquelle on a une machine qui envoie de la vapeur, la maman fait son hammam et après ce temps de sudation, on pratique le serrage du corps avec un tissu qui s’appelle un rebozo. Ce tissu ressemble à une écharpe avec un tissage spécifique et on va serrer le corps de la tête aux pieds sur 7 points. En symbolique, ce soin permet de refermer, de clôturer le passage de la naissance, de refermer le corps de la femme qui s’est complètement ouvert pour donner naissance à son bébé. C’est un soin que j’aime beaucoup, on le transmet en post-natal. On peut le transmettre après l’accouchement mais ça peut aussi se faire 6 mois, 1 an et plusieurs années après. C’est aussi un soin qui est très puissant pour accompagner les transitions dans la vie d’une femme donc pas que en post-natal, par exemple, s’il y a un mariage, un divorce, un deuil, un déménagement, une évolution personnelle. C’est vraiment un soin qui vient accompagner une intention de fermeture : qu’est-ce que je clôture et à quoi je souhaite m’ouvrir ?
La ménopause, aussi par exemple ?
La ménopause, tout à fait. C’est vraiment un soin féminin. c’est quelque chose que j’aime beaucoup pratiquer. Un autre rituel que j’ai ramené et que j’aime proposer, c’est le rituel du Yoni steam. C’est un rituel très ancien qu’on retrouve dans beaucoup de cultures du monde notamment en Corée, en Afrique, en Amérique du sud. Ce rituel consiste à faire un bain de vapeur au niveau du périnée. L’action de la vapeur, de la chaleur va venir stimuler la circulation sanguine et par cette oxygénation, va venir stimuler le système endocrinien, va venir irriguer tout l’appareil génital. On peut ajouter des plantes avec certaines vertus. J’aime beaucoup parler de ce soin aux femmes que j’accompagne dans le cadre de mon métier en l’utilisant en post-natal aussi pour permettre une meilleure cicatrisation des tissus s’il y a eu une petite déchirure ou une épisio. Ca va aussi permettre au cycle, au retour de couches de venir s’installer de manière plus rapide. On l’utilise aussi dans d’autres troubles gynéco comme l’endométriose, les fibromes, les douleurs menstruelles. On peut l’utiliser aussi au moment de la ménopause pour faciliter le passage et venir accompagner certains symptômes. C’est vraiment très intéressant comme pratique. Il y a très peu d’études aujourd’hui qui ont été faites là-dessus parce que c’est un rite qui se transmet de génération en génération. Il peut être pratiquer de différents manières : je me souviens avoir accompagner une femme qui était originaire du Soudan, elle me racontait que chez elle, on ne faisait pas des bains de vapeur mais c’était des fumigations avec un bois spécifique qui avait été trempé toute la nuit dans l’eau puis séché au soleil, ensuite on le brûlait et avec cette fumée, elles faisaient des fumigations après l’accouchement. C’est très intéressant. J’ai développé des boîtes, des sièges pour pratiquer le Yoni Steam parce que c’est pas toujours très confortable quand on le fait de manière artisanale. C’est tout simplement un caisson en bois avec un couvercle amovible dans lequel on va venir déposer notre préparation, ça peut être une casserole, un saladier dans lequel on aura mis notre eau bouillante avec nos plantes et on va s’asseoir dessus. Ce sont des sessions qu’on fait entre 15 et 30 minutes. Il faut se renseigner, se faire accompagner parce qu’il y a quelques contre-indications. Aujourd’hui, en France, on est plusieurs doulas et naturopathes à proposer ces soins. Ca se démocratise de plus en plus. J’étais en contact récemment avec une femme qui voudrait ouvrir un Yoni spa à Paris. C’est des choses qu’on connaît et qui existent déjà aux Etats-Unis et en Corée.
Et peut-être quelque chose qui va pouvoir aider toutes les femmes qui souffrent d’endométriose ?
Tout à fait, c’est un excellent outil à utiliser en complément. Alors c’est encore un peu tabou quand on parle de ça parce que ça vient toucher une sphère intime liée à la sexualité, à l’appareil génital de la femme. Mais je pense que les femmes sont sur un courant de libération. On le voit bien aujourd’hui dans les podcasts que la parole se libère, à la radio ce sont des sujets qui sont de plus en plus abordés… On y vient…
Tu as raison, on en parle de plus en plus, que ce soit l’endométriose même si bien évidemment, quand on sait que 10 à 20% des femmes souffriraient d’endométriose, on en parle pas assez, ça c’est certain, néanmoins on en parle de plus en plus. On parle aussi beaucoup plus de l’allaitement maternel, de ses bienfaits. On commence à critiquer le système qui ne permet pas aux mamans de mener à bien leur allaitement puisqu’elles doivent reprendre le travail au bout de 2 mois, ce qui n’est rien du tout. On n’a pas eu le temps de bien prendre ses marques, de créer sa routine avec son bébé. C’est vraiment très jeune. Il y a beaucoup de frustration chez les mamans allaitantes, celles qui avaient fait ce choix-là et qui, quand elles reprennent leur vie professionnelle, se rendent compte que, même si techniquement, elles ont le droit à 1 heure par jour pour tirer leur lait, ça c’est sur la papier mais que dans les faits, c’est très difficile de continuer cette aventure avec leur bébé. Est-ce que toi, tu accompagnes aussi ces femmes ? Est-ce tu essaies de les sensibiliser à ces questions d’allaitement ?
En ce qui concerne l’allaitement, c’est très important de s’informer avant de se retrouver avec son bébé dans les bras. Je les invite à participer à des réunions d’information de la Leche League qui est une association pour l’allaitement. On en parle, on voit des positions. Comprendre ne serait-ce que le fonctionnement physiologique de l’allaitement, ce sont des chose très importantes. Mais comme tu disais, on est dans une société qui ne soutient pas la femme dans sa maternité. et devoir reprendre le travail à 3 mois, c’est quelque chose d’aberrant. Catherine Dolto disait : « Il faut 18 mois pour faire un bébé : 9 mois dans le ventre, 9 mois dans les bras. » Pour moi, cette phrase résume très bien les besoins du nourrisson. Il a besoin d’être au contact de sa maman. L’allaitement fait vraiment partie d’un processus physiologique qui permet à l’enfant de créer une sécurité intérieure. Je ne veux pas culpabiliser les femmes qui n’allaitent pas en leur disant ça. Mais pouvoir rester au contact de sa mère, de pouvoir nourrir son enfant, de pouvoir s’en occuper pendant ces 9 mois, pour moi, c’est quelque chose qui devrait être soutenu par les Etats puisque de là, va dépendre le bien-être de la société entière.
Et de la société future aussi. Est-ce que toi, tu fais un lien entre l’écologie et ton métier de doula ?
Oui bien sûr, notamment pour des choses très simples et très concrètes. Je vais parler aux parents de toutes les méthodes alternatives qui existent pour prendre soin de son bébé. Ca va être de l’usage des produits cosmétiques, les savons, les crèmes pour bébé. Ca, on en parle. On peut fabriquer beaucoup de choses soi-même. Et puis surtout, un bébé n’a pas besoin de beaucoup de choses. Avec un peu d’eau, un gant de toilette, on peut déjà bien s’en occuper. Après tout ce qui est produit pour le change, on peut le fabriquer aussi, il existe des recettes. Il y a cet aspect-là pour les cosmétiques, il y a les couches lavables aussi dont on parle pendant l’accompagnement. Et l’aspect écologique que je vois dans l’accompagnement, c’est ce regard naturel lié à la physiologie : faire confiance à son corps, faire confiance à la nature. Quand on accouche, ce sont nos hormones qui vont permettre à notre corps de donner naissance à notre bébé. Dans l’accompagnement, je fais tout un travail d’information et d’explication sur cette dimension-là pour que les femmes prennent conscience que tous les protocoles médicaux qui sont mis en place quand on arrive dans une maternité pour accoucher ne sont pas forcément nécessaires. Le fait de limiter l’utilisation de substances chimiques et médicamenteuses pour un accouchement, je le vois comme une forme d’écologie. Il y a un côté militant dans mon travail parce que j’ai envie que les femmes prennent conscience qu’elles ont tout en elles pour donner naissance à leur bébé. Elles sont puissantes, elles sont fortes. On est des mammifères, c’est inscrit dans nos cellules. Depuis la nuit des temps, les femmes accouchent et ont donné naissance à l’humanité dans laquelle on est aujourd’hui. Cet accompagnement que je propose, c’est vraiment d’aller déconstruire toutes ces croyances, libérer les peurs conscientes et inconscientes, identifier les blocages potentiels et que la femme puisse se sentir de nouveau pleinement autonome, pleinement puissante pour donner naissance à son bébé.
Une belle mission que tu poursuivras longtemps, j’imagine. Tu n’es pas prête à laisser de côté ce métier de doula.
Non c’est sûr que c’est quelque chose qui m’anime et je le fais avec mes tripes. C’est vraiment une passion, je n’ai même pas l’impression de travailler. Je prends énormément de plaisir à rencontrer tous ces hommes, toutes ces femmes qui me font confiance. Mettre à leur disposition des connaissances et leur permettre de faire des choix éclairés. D’un côté, vous avez le son de cloches classique du monde médical et du paradigme médical et puis moi, je vais apporter une autre version de l’histoire. Et les couples vont pouvoir faire leurs choix et décider de comment, eux, veulent vivre cette étape de vie qui, pour moi, est un évènement initiatique, un rite de passage dans la vie d’un couple, dans la vie d’une femme de donner naissance à un enfant. C’est important de le vivre de manière consciente, informée et de créer cet espace sacré pour que nos enfants arrivent dans beaucoup plus de douceur, de respect. On a beaucoup parlé de la maman mais il y a aussi l’accueil du nouveau-né en milieu hospitalier qui n’est pas du tout respectueux des besoins du nouveau-né. Il y a un énorme boulot à faire là-dessus et l’information que je souhaite transmettre lors de mes accompagnements, c’est pour permettre ces prises de conscience-là
Merci beaucoup, Marie. C’était très intéressant. Je listerai dans la barre de description le lien vers ton site, bien évidemment, s’il y a des futurs parents dans la région d’Annecy qui ont envie de se faire accompagner et puis d’une manière plus générale, pour tous les auditeurs et les auditrices, pour qu’ils puissent se renseigner sur ce métier de doula, sur ses pratiques. Si jamais tu as des lectures, des reportages que tu souhaites partager aussi, je pourrai les indiquer dans cette barre de description comme ça on pourra avoir quelque chose de très complet. On a besoin de s’informer et d’avoir toutes les clés en main pour décider de ce qui est bon pour nous et de ce qu’on ressent juste. Il faut juste s’écouter mais pour s’écouter, il faut avoir accès à toutes ces infos. Merci beaucoup !
Merci, Jeane !
Site : www.chemindenaissance.com
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