Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Emmanuel Roche, j’ai 45 ans et je suis le fondateur d’une marque de parfums de luxe 100% naturels et très écoresponsable : AEMIUM. Je suis ingénieur de formation, et j’ai conçu, fabriqué et distribué des parfums et cosmétiques pour les plus grandes marques pendant plus de quinze ans. J’ai eu la chance d’être très bien formé dans un grand groupe cosmétique et d’accéder à des postes tous plus intéressants les uns que les autres : responsable développement, responsable production, directeur d’usine et directeur Supply Chain, entre autres.
Comment est né ton projet ?
Honnêtement, j’ai toujours rêvé de monter ma boîte et j’ai aussi une véritable passion pour la conception produit. En parallèle, j’avais vraiment le souhait de quitter le monde des grands groupes dans lequel je ne trouvais plus plaisir à travailler ces dernières années : trop de politique, des valeurs qui changent – avec le COMEX- tous les deux ans et auxquelles plus personnes ne croient, trop de tâches sans valeur ajoutées, trop d’argent mis dans le bla-bla marketing au détriment de la qualité et de l’environnement…. Bref, à mi-parcours de ma carrière professionnelle, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais qu’il fallait tenter l’aventure : créer le job de mes rêves : celui pour lequel je serai heureux de me lever tous les matins et fier vis-à-vis de mes enfants. Bref, redonner du sens à mon travail.
Dans les cosmétiques, les choses avaient déjà commencé à bouger, mais dans le parfum, c’était le néant. Il y avait bien quelques marques qui allaient vers le 100% naturel mais au sujet de l’écoconception, concrètement, on était proche du zéro pointé. Je me suis dit que j’étais capable de faire beaucoup mieux. Et j’ai fait le grand saut !
Pourquoi as-tu cette volonté de t’engager, à ta façon, dans la protection de l’environnement ?
Ma première conviction, c’est que le vivant est en danger et il y a urgence. Or les entreprises sont une grande partie du problème, elles doivent donc être une grande partie de la solution.
Ma deuxième conviction, c’est justement que les marques – et notamment les marques de parfums – font trop peu d’efforts pour l’environnement. Ça ne va pas assez vite. A l’inverse, elles déploient une énergie considérable pour « greenwasher » (en mettant en avant une action et en cachant tout le reste, ou en s’engageant fermement pour… 2030 !?!). Si cette énergie et cet argent pour communiquer étaient mis en « investissement vert », les choses iraient beaucoup mieux pour la planète…. Et même pour elle, à moyen-terme, car certaines vont le payer cher selon moi.
C’est d’autant plus effrayant pour moi, que j’ai une grande sensibilité écologique et que je suis expert en packaging : je détecte tout de suite les flacons lourds et non rechargeables (plus de 99% du marché), les bouchons en plastique lesté et les autres en métaux, lourds souvent en provenance d’Asie, non recyclable pour plus de 95% d’entre eux. Mais aussi les échantillons non recyclables (100% du marché), les cartons blanchis au chlore, les cellophanes non recyclables que l’on jette, la PLV en magasin également, etc, etc…
Bref, je suis effaré de voir aujourd’hui l’écart entre la communication faite par certaine marque et la réalité.
Plutôt que de perdre mon énergie dans la critique, j’ai décidé de la mettre au service de ma start-up. Car le meilleur moyen de faire bouger les choses, c’était de prouver qu’il était possible de faire du parfum proprement … quitte à bousculer un peu ce secteur bien gardé ! C’est ce que j’ai (modestement) fait.
Une troisième et dernière conviction c’est que les problèmes environnementaux et plus globalement les crises dans le monde ne pourront être résolus qu’avec plus de justice sociale. Créer sa propre entreprise, c’est aussi pour moi l’occasion de mettre en place une organisation interne tournée vers l’humain. Mon entreprise sera définitivement une entreprise libérée qui responsabilise et donne du sens et de la fierté à l’employé. C’est aussi faire le choix de fournisseurs locaux français qui rémunèrent correctement leurs employés, notamment dans les usines. Comme je le dis souvent, les ouvriers de mes fournisseurs apportent plus de valeur ajoutée à mes produits que n’importe quelle communication publicitaire. Enfin, c’est faire le choix de donner à des organisations qui cumulent les deux aspects (environnemental et social). C’est ce que nous faisons chez AEMIUM en tant que membre de 1% for The Planet : nous redonnons 1% à l’association Terre de Liens qui mêlent intimement les deux : en achetant des terres agricoles pour éviter leur urbanisation et en les mettant à disposition à tarif avantageux à de jeunes agriculteurs qui souhaitent se lancer dans le bio. Ce n’est pas évident de la faire la première année alors qu’évidemment le résultat opérationnel sera négatif, mais en même temps ça motive de savoir qu’on donne pour des causes plus importantes que… du parfum !
Deux phrases pour définir cette aventure ?
J’entends deux phrases dans mon entourage qui s’opposent sur mon aventure :
« C’est une pure folie de se lancer maintenant compte-tenu du contexte »
« C’est une pure nécessité de se lancer maintenant compte-tenu du contexte »
😊
Les deux me vont très bien en fait : à 45 ans il est temps de mettre un peu de folie dans ma vie en faisant quelque chose de nécessaire pour aider la planète.
Et est-ce vraiment le pire moment ? je ne pense pas au fond. Car la Covid a au moins un mérite : réveiller les consciences sur l’urgence climatique et la protection du vivant…
Que te réserve l’avenir ? Des projets futurs ?
Je souhaite juste continuer à faire les parfums les plus écoresponsables du marché et éveiller les consciences quant à l’écoconception, et au fait d’acheter moins mais mieux (un peu à la façon de Loom). La partie n’est pas gagnée car il y a des poids lourds dans mon secteur.
Enfin, un conseil à tous les auditeurs qui souhaitent, eux aussi, s’investir dans un tel projet (associatif, entrepreneurial…) ?
J’en ai deux désolé 😉
1- Prendre le temps d’écrire/formaliser dès le début du projet, SA conviction profonde, la problématique que votre service permet de lever, la valeur ajoutée de votre marque qui la distingue des autres, bref, les « assets » intangibles auxquels il ne faudra jamais renoncer. Cela parait bête, mais face aux complexités futures, inhérentes à tout projet entrepreneurial, la tentation est grande de faire des entorses aux premiers engagements…
Selon moi, il faut savoir écouter tous les avis, en acceptant d’entendre autant les points négatifs que positifs. Mais il ne faut pas en tenir compte dès que cela touche les fondamentaux et assets formulés en début de projet.
Cela parait bête, mais je l’ai vu dans de nombreuses start-up. Cela appauvrit immédiatement la marque ou le service. Et par expérience, cela finit mal.
Exemple : pour des questions de coût et de planning, si au lieu de faire du 99,9% naturel afin d’être certifié cosmos par ECOCERT, j’avais décidé de faire du 95% naturel comme de nombreuses marques (ce qui est très facile, en mettant 95% d’alcool, soit dit en passant… ) , j’aurai gagné beaucoup d’argent et de temps, mais ma différenciation et la qualité de mes produits auraient perdu énormément…
2- Quand on fait les choses avec du cœur et de l’authenticité, les gens le perçoivent et c’est déjà 50% de gagné. Donc il faut rester soi-même et ressentir les choses plutôt que tout calculer. Mieux vaut parfois faire ces propres shootings photos, son propre marketing que de faire appel à des agences : vous serez vrais et vous économiserez de l’argent.
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