Cette semaine, je vous invite à écouter une table ronde consacrée à la ville de demain. Tandis qu’en 2020 la moitié de la population mondiale vit en ville, d’ici 2050 ce sont les deux tiers qui y vit Nécessairement cela soulève beaucoup de questions. A quoi ressemblera la ville de demain ?Comment doit-on dès aujourd’hui comprendre et appréhender les transformations et les mutations de la ville ? Quelles sont les conséquences de ces changements dans le quotidien de celles et ceux qui conçoivent et construisent nos villes ? Que signifie la notion de co-conception de la ville ? Quelles sont les attentes des usagers ? Comment peut-on, nous citadins, créer du lien avec celles et ceux qui nous entourent ?

Pour répondre à toutes ces questions, j’ai la chance d’avoir tendu mon micro à des spécialistes pour qui la ville de demain n’a plus aucun secret. Au cours de cette table ronde vous écouterez Sonia Lavadinho, anthropologue et géographe qui travaille depuis 15 ans sur les enjeux de la mobilité durable, à ses côtés Julien Schmid, directeur marketing stratégique de Bouygues construction et porteur du projet Cityplay ainsi que Nicolas Bard, co-fondateur de Make ICI, réseau de manufactures collaboratives et solidaires. Avec mes invités, nous nous questionnons et réfléchissons ensemble à l’avenir de la ville. Cette table ronde a été organisée grâce au soutien de Cityplay. Malheureusement, compte tenu de la situation sanitaire actuelle, Sonia Lavadinho a participé à cet échange en distanciel.

Bonjour à tous ! Nous sommes réunis aujourd’hui dans le cadre d’une table ronde consacrée à la ville de demain et toutes les réflexions que l’on peut y apporter. J’ai la chance d’être en compagnie de Julien Schmid, Nicolas Bard et Sonia Lavadinho. Sonia, peut-être pourriez vous commencez par vous présenter s’il vous plaît ?

Oui, avec plaisir. C’est avec joie que je suis avec vous en distanciel mais quand même ensemble ce qui est l’essentiel. Je suis Sonia Lavadinho, anthropologue urbaine et géographe. Mon intérêt se situe autour des questions liées à la transition comportementale et à la façon dont les nouveaux modes de vie vont influencer nos façons de nous approprier la ville.

Nicolas ?

Je suis Nicolas Bard, co-fondateur de Make ICI qui est une structure qui conçoit et qui anime des tiers-lieux de production depuis 2012 en France. On est là pour ceux qu’on appelle, nous, des entrepreneurs du faire donc tous les entrepreneurs qui ont besoin d’outils de production et de savoir-faire artisanaux – artisans, designers, architectes, décorateurs d’intérieur et les pros de la fabrication numérique. On leur fournit à la fois les lieux, les bureaux, les ateliers, les espaces de stockage, les machines et l’écosystème pour pouvoir apprendre, lancer et développer leur activité. On existe depuis 2012. Aujourd’hui, on opère quatre manufactures en France : Montreuil depuis 2012, ICI Marseille depuis 2018, ICI Nantes depuis 2019 et la Manufacture du Puy-en-Velay depuis 2020, depuis cette année en partenariat avec l’Afpa.

Et enfin Julien, à votre tour de vous présenter.

Bonjour, je suis Julien Schmid. Pour faire très simple, je suis en charge du marketing stratégique chez Bouygues construction et donc effectivement en charge de développer notre approche sur la fabrique de la ville pour rendre les villes et territoires plus durables au travers de tout ce que le groupe Bouygues construction peut apporter à ces territoires.

La première question que j’aimerais aborder avec vous et que je vous pose à tous les trois est de savoir comment la ville s’est transformée au fil de ces dernières années, quels changements notoires avez vous observés ?

Pour moi, très clairement le changement le plus notoire, depuis peut-être une quinzaine d’années mais qui s’affirme beaucoup depuis notamment l’émergence de l’iphone et de façon plus générale du nomadisme connecté si je peux l’appeler comme ça, c’est le fait qu’on vit beaucoup plus dehors. On a une transformation forte en branle depuis déjà le début du siècle de cette grande mouvance de la ville du dedans vers la ville du dehors, au sens de passer plus de temps à l’extérieur dans l’espace public et d’y transférer un certain nombre d’activités, d’usages que précédemment on faisait plutôt à l’intérieur. Ce qui est aussi intéressant c’est de quelle façon les intérieurs se modifient pour accompagner cette tendance un peu lourde qui est là en lame de fond et de quelle façon les intérieurs eux-mêmes s’extériorisent sous la poussée d’un certain nombre de transformations à la fois architecturale et paysagère qui font qu’on a de plus en plus l’impression même quand on est dedans qu’on est dehors. Une végétalisation beaucoup plus forte de beaucoup d’espaces, l’utilisation de grands volumes qui donne aussi cette impression d’une pénétration beaucoup plus forte de la lumière. Une tendance globale à cette ouverture et aussi même parfois la création de micro-climats qui peuvent donner cette impression de pouvoir être à l’extérieur alors même qu’on est à l’intérieur, de brouiller un peu les frontières, de faire en sorte que ce soit pas si évident de savoir si on est à l’intérieur ou à l’extérieur. On a beaucoup d’espaces hybrides qui se forment notamment dans les appendices des maisons, les bureaux ou les tiers lieux. On a aussi une tertiarisation des lieux un peu globale qui fait aussi qu’on a cette tendance à avoir plus des sas qui sont à la fois dehors et dedans. Ca, c’est une des grandes tendances de fond que j’observe, l’autre grande tendance étant celle du corps en mouvement et le fait que nous sommes dans une logique dans laquelle toujours en nous mouvant, nous sommes en contact les uns avec les autres. Ca a l’air de rien et aujourd’hui on est tellement submergé par cette tendance qu’on l’oublie mais avant l’apparition de l’Iphone en 2008 et avant cette « digital connectedness » que nous vivons aujourd’hui toujours en mouvement, nous n’étions pas dans cette mouvance. Nous étions injoignables. On ne se rappelle plus tellement de cette époque, quand je vous dis ça, je peux paraître un petit peu comme un dinosaure mais il fut un temps quand nous sortions d’un espace clos – la maison ou le bureau, nous étions totalement injoignables jusqu’à ce que nous rentrions de nouveau sous un toit parce que les téléphones n’étaient que fixes. Vous n’aviez pas la possibilité d’être comme ça en contact avec les gens alors même que vous êtes en déplacement à l’extérieur. Cette connectivité qui est un phénomène que j’ai appelé dans mes travaux la mobilité constellaire, le fait qu’on puisse être constamment en lien avec nos constellations, c’est quelque chose qui influence beaucoup nos décisions en cours de la journée.

Merci Sonia. On reviendra sur cet aspect de lien un petit peu plus tard. Vous avez néanmoins soulevé un autre point qui m’intéresse beaucoup qui est celui de la ville du dehors. A ce sujet-là, j’aimerais avoir le ressenti de Julien et de Nicolas à propos de cette notion de ville du dehors mais aussi sur la transformation de la ville ces dernières années. Julien ?

J’aurais tendance à dire que c’est pas tant la ville qui s’est transformée mais c’est plutôt l’usage qu’on en fait et effectivement avec un usage du dehors qui est en pleine expansion. C’est  aussi l’usage qu’on en fait en termes de mobilité : on voit ces deux-trois dernières années notre façon de se déplacer dans la ville qui a énormément évoluée. Et c’est l’usage qu’on en fait au travers du développement de tiers-lieux et ça, Nicolas pourra en témoigner mais la ville en soi qui est quelque chose qui se fabrique de façon très, très lente est très stable, se transforme assez peu. C’est comment on utilise cette ville-là qui se transforme très rapidement. On le voit sur certaines choses, en l’espace d’un ou deux ans, les usages sont complètement différents.

C’est la façon de penser la ville qui a évoluée …

C’est la façon de la penser effectivement qui doit évoluer puisque l’usage qu’on va en faire derrière, lui, évolue.

Nicolas ?

Moi aussi, j’observe cette tendance. Effectivement, il y a de plus en plus d’usages du dehors mais pour revenir au début de la question sur ce qui change dans la ville, moi j’ai remarqué qu’il y avait plein d’usages qui avaient disparu et qu’en même temps d’autres réapparaissaient. Aujourd’hui, il est de plus en plus compliqué de trouver dans notre domaine des savoir-faire locaux c’est-à-dire quand on cherche un serrurier, un ébéniste, quand on cherche quelqu’un pour réparer, c’est impossible. Depuis trois, quatre ans maintenant il y a ce qu’on appelle effectivement des tiers-lieux qui se lancent et qui intègrent ces services. Même les services publics sont de plus en plus compliqués à trouver et disparaissent de certains quartiers. J’ai une anecdote à raconter qui est quand même hallucinante.  J’ai un ami qui habite rue Jacob, on peut pas dire que c’est quand même le quartier le plus pauvre de Paris, ils viennent de fêter il y a quinze jours les 10 ans de leur demande de raccordement à la fibre ! La rue jacob dans Paris c’est un désert numérique ! C’est tellement hétérogène, il y a même des quartiers privilégiés a priori où la fibre n’arrive pas, ils ont de moins en moins de petits commerçants, du local, des usages à la fois destinés à des professionnels mais aussi à des particuliers. Les cafés, il y en a de moins en moins, c’est remplacé par des Starbucks. Il en faut des Starbucks mais ce n’est pas du tout le même univers, la même ambiance. La principale transformation c’est à la fois plein de services qui ont disparu mais qui paradoxalement commencent à réapparaître très fortement depuis trois, quatre ans mais ensemble. Des tiers-lieux qui se lancent et qui intègrent dans un même bâtiment des dizaines de services qui avaient disparu. Ces services ont disparus parce que le modèle économique était compliqué à tenir. Payer un loyer, assurer un salaire, c’est de plus en plus compliqué quand on a des grosses charges surtout en centre-ville. On le voit à Paris mais quand on regarde les centres-villes de la plupart des villes moyennes de France, c’est un désert. Il y a la moitié des commerces, des pas-de-portes ou des rez-de-chaussée où il n’y a plus rien. Le fait d’avoir une structure qui englobe tous ses services, ça permet de mutualiser les charges et de pouvoir les réimplanter parce que le modèle économique le permet.

Julien, chez Bouygues construction, j’imagine que c’est quelque chose que vous observez beaucoup. Comment est ce que toutes ces évolutions ont changé la façon de créer ou concevoir un projet immobilier ? En quoi est-ce que ça a impacté votre travail ?

Ce qu’on constate c’est qu’auparavant la ville a cherché à répondre à des besoins, à nos besoins : besoin de se loger, besoin de travailler, besoin de se divertir. Aujourd’hui, on est dans un contexte avec l’enjeu climatique, avec l’enjeu de l’emploi, toutes ces thématiques-là où la ville doit aller au-delà de répondre à des besoins. Elle doit répondre à des grands enjeux, à des défis. Elle doit les relever et donc ça complexifie énormément la façon de penser la ville, de la fabriquer effectivement. Puisque ça la complexifie, on se rend compte qu’elle ne peut plus être pensée uniquement par des sachants que nous sommes, constructeurs, urbanistes etc. Elle nécessite de fédérer très, très largement le plus de parties prenantes dans sa façon de la penser, de la concevoir. C’est ce vers quoi, nous, on cherche à aller chez Bouygues construction en intégrant le plus possible effectivement les habitants, les usagers de la ville dans sa conception, dans sa fabrication, dans la façon de l’utiliser derrière. C’est en tout cas le constat qu’on fait et ce vers quoi on cherche à aller.

Quand vous dites les intégrer, comment est-ce que ça se passe très concrètement ? Comment est-ce que les habitants, les citadins peuvent-ils intervenir ?

Il y a plein de façons différentes de le faire. On a fait un exercice de recensement chez Bouygues construction de ce type d’initiative et on se rend compte qu’on a une cinquantaine de retours d’expériences de ce type-là à travers le monde – c’est pas uniquement un phénomène franco-français – et sur tous nos métiers, sur tout ce qui touche aux différentes thématiques de la ville. On le fait de façon très en amont, dans des réflexions un peu prospectives pour mieux comprendre quels sont les enjeux du territoire. Ca se fait sous forme d’ateliers, sous forme de concertation, même si le terme est très cadré. On sait aller mener des ateliers au sein des territoires en fédérant la collectivité, en fédérant des habitants pour réfléchir à un certain nombre de thématiques. Après dans sa façon de la concevoir, on a des outils pour ça. On a un serious game qui a été développé au sein de Bouygues construction pour permettre de co-concevoir des projets avec des gens qui ne sont pas des professionnels de l’immobilier et de l’urbain. L’exemple de Nicolas et de ce qu’on a fait ensemble à Marseille est aussi parlant dans la façon de les intégrer dans l’initiation des projets. Avant que le projet soit terminé, il se passe généralement deux, trois, cinq, dix ans avec des sites sur lesquels potentiellement il ne se passe rien pendant tout ce temps-là donc on a aussi des dispositifs et des outils pour créer de la vie avant même que le projet existe de façon physique. C’est extrêmement important pour ne pas avoir finalement ce qu’on a un peu vécu avec les ZAC c’est-à-dire des projets neufs qui sont livrés mais qui n’ont aucune âme, qui se ressemblent tous, dans lesquels il n’y a pas de vie, les pieds d’immeubles sont vides parce qu’il faut laisser le temps aux commerces de s’implanter… Il y a un très gros enjeu d’initier cette ville-là le plus en amont possible. C’est aussi une façon d’intégrer les habitants pour les faire participer à la concrétisation des projets. Et une fois qu’on a terminé, c’est aussi initier la prise en main de ces quartiers, de ces réalisations par leurs futurs usagers. On a des exemples en Suisse où on initie, on crée des associations de quartier et progressivement, on laisse la main aux habitants pour la faire vivre. On sait aussi utiliser le numérique puisque le numérique se développe de plus en plus, au travers d’applications qui permettent de faire vivre, de créer du lien entre les habitants. On a une trentaine de dispositifs possibles qu’on sait utiliser au cas par cas en fonction du contexte, en fonction des enjeux du territoire etc.

L’idée, c’est aussi de ne pas uniquement penser le projet à l’échelle du projet mais à une échelle bien plus large pour qu’ils puissent s’implanter de la meilleure façon qui soit.

C’est exactement ça. Un projet se fait dans un contexte, dans un environnement, dans un territoire qui a ses problématiques qui ne sont pas les mêmes que le territoire voisin, qui a ses habitants qui ne sont pas les mêmes que ceux du territoire voisin. On ne peut pas, nous, en tant que professionnels du l’urbain, penser les bonnes solutions à la place des gens et les penser pour eux. C’est important de les intégrer le plus possible parce que, finalement, la bonne idée, la bonne solution, elle vient souvent des gens qui y vivent, qui y travaillent, qui, eux, connaissent parfaitement le territoire dans lequel le projet va venir se faire.

Finalement cela fait écho à ce que vous disiez, Sonia, avec ce besoin de créer du lien. Est-ce que c’est créer du lien avec la nature, avec son environnement ?

Oui, créer du lien est un aspect essentiel de la question. C’est pour ça que nous sommes en ville et que nous vivons pas chacun ermite sur sa montagne. Il y a quand même une raison claire qui a amené les gens à être aussi près les uns des autres et c’est justement celle-là de pouvoir être ensemble, être dans une logique dans laquelle cette proximité permet de fabriquer ce lien et surtout ce lien inattendu, informel. Ce sont les liens les plus difficiles à créer. Ce ne sont pas tant les liens où nous nous donnons rendez-vous ou formellement nous savons que nous allons nous rencontrer mais c’est plus cette fameuse sérendipité, cette notion de hasard bienvenu et inattendu qui fait que nous croisons des personnes de façon inopinée et pas prévue. Cette possibilité qui est générée par le fait que nous pouvons nous rencontrer comme ça par hasard au détour d’une rue, d’un carrefour, d’une place c’est quelque chose qui donne vraiment une valeur ajoutée au fait d’être si proche. Dans les villes et notamment les grandes villes qui, elles, ont beaucoup plus de diversité encore dans le type de personnes que nous pouvons croiser, c’est finalement ça qui donne cette valeur ajoutée à être ensemble. C’est l’une des choses qui font que vraiment on a envie de se rapprocher comme ça, de façon aussi forte sur aussi peu de mètres carrés ou kilomètres carrés. C’est intéressant de voir comment nous pouvons par l’aménagement de ces nouveaux espaces publics, par l’aménagement de ces nouveaux besoins de biodiversité, créer des corridors que j’appelle des « corridors santé et biodiversité » dont le but est à la fois de nous faire bouger plus et mieux et de nous faire nous rencontrer, avoir des sociabilités plus fortes, donner beaucoup de place au mode actif, à la marche, au vélo, à la trottinette. Personnellement, je pense que c’est une évolution positive et qu’il faut la saisir comme une bonne opportunité pour renforcer le lien social et la fabrique du lien social.

Est-ce que pour vous, Nicolas, les critères évoqués par Sonia sont ceux que vous prenez en compte lorsque vous imaginez un lieu que ce soit ICI Montreuil ou ICI Marseille ?

Pas tous les critères. On prend les critères qui correspondent à notre activité. Nous, on répond à un besoin, à des usages pour deux populations, au départ pour des urbains mais on a des lieux aussi à la campagne donc ça marche un peu partout. Le premier c’est tous ceux qui veulent vivre d’un savoir-faire au plus proche de chez eux. Aujourd’hui, les ateliers ont disparu ou disparaissent de plus en plus des villes à cause de la pression immobilière mais aussi parce qu’ils sont dans un état précaire. C’est pouvoir leur fournir tous les services dont ils ont besoin pour pouvoir lancer et tout simplement vivre de leur activité au plus près de chez eux et donc dans les besoins, il y a ce que disait Sonia, il y a le parcours : qu’ils habitent à une demi heure pas plus, qu’ils viennent en transports en commun. Derrière on doit gérer aussi tous les flux annexes, à la fois les flux de personnes mais les flux de matières, les flux de création. Au coeur de notre activité, il y a la conscience de l’empreinte carbone, écologique. On veut avoir un impact minimum donc on investit des bâtiments qui existent, on ne va pas dans des bâtiments neufs. On préfère être dans des lieux réhabilités, qui ont nécessité moins de construction, moins de réhabilitation que le reste et moins de déchets ou de camions polluants qui vont arriver pour les amener. On génère beaucoup de déchets, de bois, de métal, de textile, de cuir… Du coup on a organisé un système pour les réutiliser : on chauffe avec des chutes de bois même en ville. On a des filtres pour empêcher les émissions de particules fines. Ca, c’est pour les professionnels. Pour les particuliers, il y a beaucoup d’urbains qui veulent monter en compétences sur des savoir-faire manuels et numériques. On a des programmes de formation qui leur permettent en quelques jours de savoir utiliser une machine à bois. Ils peuvent faire par eux-mêmes des choses chez eux et donc être moins dépendants de professionnels. Un des trucs auxquels on croit c’est que plus on maîtrise le savoir-faire, moins on dépend des autres ou alors plus on est autonome et même en ville. Tous les urbains n’ont pas envie de faire du bricolage, il n’y en a même pas beaucoup en ville mais il y en a quand même quelques-uns. En  général, si on habite en ville, les week-ends c’est pas du bricolage qu’on a envie de faire. On a plutôt envie d’aller profiter de tous les services ou des divertissements que la ville offre. Mais il y a aussi de plus en plus de Français qui veulent trouver un métier qui a du sens. Dans les métiers du fer, il n’y a pas que l’artisanat. Nous, on accueille des personnes qui se reconvertissent ou des publics en difficulté qui ont créé des entreprises ou des marques de décoration, des plateformes de fabrication numérique. Ils utilisent le savoir-faire du fer mais ils ne deviennent pas artisans. Comme il y en a de plus en plus et que la crise économique et sanitaire en a poussé encore de plus en plus à trouver un autre job, on en accueille beaucoup. dans notre centre de formation. Un des rôles de la ville que nous, on délivre et que les tiers-lieux vont délivrer de plus en plus c’est de permettre à des gens de changer de vie, de retrouver une autre vie. En tout cas, de les accompagner dans une deuxième vie professionnelle. Au final, ce qu’on crée dans nos tiers-lieux, c’est des produits locaux donc du circuit court. Acheter local au plus près. Acheter, réparer au plus près de chez soi et derrière, dans les formations qu’on met en place, il y a des formations sur les métiers de la fabrication, des savoir-faire et des compétences de la réparation mais aussi tous les nouveaux domaines de compétences qui apparaissent avec les métiers verts comme le réemploi, l’isolation qui se développent. Il y a un gisement de métiers énorme, il va y avoir des milliers voire des centaines de milliers d’emplois qui vont arriver dans les prochaines années.

Est-ce que vous travaillez aussi en partenariat avec des écoles par exemple ?

Oui. On a des manufactures de 2000 à 4000 m² plutôt pour les professionnels et après on a créé des fablabs associatifs ou éducatifs notamment un à Montreuil, avec la mairie de Montreuil et quatre associations d’insertion, qui fait 300 mètres carrés, qui est au pied d’une cité en centre-ville et son rôle, c’est de travailler avec les écoles. Il n’y a plus d’ateliers dans les écoles, dans les maternelles, dans les collèges, dans les lycées… Il y avait ça, il y a 50 ans. Il y a des profs qui intègrent dans leurs programmes pédagogiques des moments où les enfants fabriquent ou utilisent les outils numériques donc ils viennent dans ce fablab. On travaille aussi avec l’Afpa par exemple. C’est pas une école mais c’est le plus gros centre de formation de France et on les aide à se transformer. Ils veulent transformer leur 200 centres de formation de France en tiers-lieux et certains en tiers-lieu de fabrication. Dans le modèle économique, la formation est au coeur du truc.

Et c’est donc ce modèle que vous avez reproduit pour votre lieu à Marseille.

Notre modèle, c’est un tiers des revenus qui vient d’abonnements d’artisans qui ont leur atelier chez nous ; il y a un tiers qui vient de la fabrication donc c’est des structures extérieures, grands groupes, artisans, architectes ou particuliers qui cherchent des artisans pour fabriquer ; puis le reste des revenus, c’est la formation. Pour revenir à ICI Marseille, on est dans le quartier des fabriques. On est le premier exploitant à s’implanter.

Est-ce que vous pouvez décrire ce quartier des fabriques, s’il vous plaît ?

C’est le sud des quartiers nord, le long du port de Marseille. On est à peu près 1,5 / 2km du vieux-port au nord. C’est un quartier très délabré, il n’y a plus de services, plus de service public, où ni les habitants ni les entreprises ont envie de s’implanter. Par contre, il y a une énergie parce que c’est le quartier des puces et des halles. Nous, on intègre le projet « Framix ». C’est 15 hectares qui vont être réhabilités d’ici 15 ans à peu près et nous, on est les premiers à s’implanter parce que Euroméditerranée et Bouygues avaient l’intention d’en faire un quartier productif où les métiers de l’artisanat, de la production en ville sont bien implantés dans le quartier et donne même une connotation au quartier. ICI Marseille, c’est à la fois un tiers-lieu de 3500 m² aujourd’hui, avec une centaine de résidents, à peu près 60 savoir-faire, qui existe depuis deux ans, on a ouvert le 11 octobre 2018. Ca marche bien, ça fonctionne bien. On a aussi des programmes de formation en modèle classique et là, avec les équipes de Bouygues construction au niveau local, on va aider à la co-conception d’une partie du quartier. C’est ça notre travail aussi. On n’a pas envie d’implanter une manufacture dans un quartier où tout le reste du quartier s’est fait sans nous parce que du coup on va se retrouver tout seul et avec aucun lien avec le quartier. Moi j’impose un partenariat où on devient AMO (Assistance à maitrise d’ouvrage). On n’est pas des experts des MO mais le but c’est, à partir d’ICI Marseille, de la communauté qui s’implante dans le lieu, d’arriver à créer des services, des usages et des lieux autres, qui sont en dehors d’ICI Marseille, dans le quartier, par exemple un fablab de quartier comme celui de Montreuil pour les habitants, par exemple une conciergerie technique où on peut trouver des matériaux, des chutes, où on peut emprunter une perceuse, où on peut se former à des machines, un centre de formation, un magasin qui vend du local. ICI Marseille fait 3500 m² et on risque d’être exploitant avec des partenaires de 4000, 5000 ou 6000 mètres carrés supplémentaires dans les fabriques. Ca va mettre plusieurs années… Mais l’influence d’un tiers-lieu doit aller au-delà de ses quatre murs. C’est un écosystème. ICI Marseille et tous les tiers-lieux qui existent sont un écosystème qui va au-delà des quatre murs.

On en revient encore une fois à cette idée de créer du lien. Julien, j’imagine que c’est ce que vous recherchez à faire également avec ce projet.

Exactement. Quand on revient en arrière, le lien c’est notre métier historique. Le groupe a démarré dans la construction pure, la construction de logements dans les années 50 et le métier de constructeur, c’est quoi ? C’est de réunir et de créer du lien entre des artisans, des savoir-faire, des architectes, des chefs de projets. C’est le métier qu’on fait depuis toujours et qu’on continue de faire aujourd’hui, au-delà de la construction pure, dans l’immobilier, dans la fabrique de la ville et qu’on essaye d’élargir le plus possible au-delà des professionnels de l’immobilier en intégrant dans ce lien-là les exploitants des lieux qu’on développe, les habitants et les usagers.

Sonia l’évoquait tout à l’heure avec la problématique des personnes âgées, mais pas uniquement, j’aimerais qu’on revienne sur cette notion parfois un peu floue de ville inclusive. Sonia, pourriez-vous peut-être nous donner votre définition de la ville inclusive ?

Pour moi, une ville inclusive est une ville qui essaie de créer cette plus grande biodiversité des publics possible que j’évoquais précédemment. C’est essayer d’avoir le plus large spectre d’âge possible, en commençant vraiment jeune. Il y a quand même d’ailleurs des vrais déficits d’inclusivité, au sens d’inclure vraiment l’enfant dans la ville. L’adolescent dans la ville, notamment, a aussi très peu de place. On essaie plutôt de le chasser par tous les moyens alors même que c’est l’adulte de demain. Ce sera la personne qui va devoir décider très rapidement à 18 ans, à 20 ans s’il va ou non rester dans cette ville. Je ne trouve pas spécialement que la façon qu’on a aujourd’hui de traiter nos adolescents est vraiment inclusive et lui donne vraiment envie de rester.. Cette figure de l’adolescent dans la ville, pour moi, est une des figures les plus problématiques dans la façon qu’on a aujourd’hui d’aménager nos quartiers. Il y a aussi d’autres moments à enjeux notamment la question des mamans et des papas surmenés. Quand on a deux, trois enfants, on voit la difficulté par exemple à se déplacer en poussette. C’est quelque chose que je pratique constamment quand j’essaie de faire des audits pour voir dans quelle mesure les quartiers sont marchables, sont désirables du point de vue de la façon dont on peut se les approprier. Pratiquement à tous les cycles de vie, nous rencontrons un certain nombre de problématiques au sens de rendre la ville inclusive. J’entends aussi le fait d’inclure les désirs c’est-à-dire être plus large sur le spectre : désir d’habiter, désir de s’approprier les espaces,  désir d’investir les temps. C’est aussi la question des temporalités. La ville n’est pas très inclusive dans la façon dont elle gère le temps. C’est un aspect-clé de la question parce qu’on met à disposition beaucoup d’équipements ou beaucoup d’espaces publics. On se fatigue à fabriquer tous ces lieux dans lesquels théoriquement les gens devraient être et on s’aperçoit à la fin qu’il y a quand même une certaine pauvreté dans les horaires dans lesquels ces lieux fonctionnent, ces équipements fonctionnent… On aurait pu utiliser de façon beaucoup plus intensive et beaucoup plus large et essayer d’avoir une façon de faire tourner les publics sur différentes temporalités. Pour moi, la ville inclusive devrait aussi être une ville qui accueille à plus large spectre tous ces désirs, toutes ces temporalités, ces lieux différents. Elle devrait donner vraiment la possibilité aux personnes, dans toutes leurs configurations possibles et dans toutes leurs façons possibles de vouloir investir ces lieux avec des nouvelles opportunités de le faire et puis de façon beaucoup plus hybride au lieu de sectoriser les espaces à ce point comme on a encore beaucoup trop tendance à faire même si les choses s’améliorent sur ce front-là. On a aujourd’hui un certain nombre d’équipements, de services dont d’ailleurs les tiers-lieux, les fablabs font partie qui travaillent les dynamiques de proximité et essaient de mettre au plus près des gens un certain nombre d’opportunités pour que ces personnes puissent faire différents types d’activités dans un même espace. Je salue ces efforts, je pense qu’ils vont dans la bonne direction mais je pense qu’on pourrait encore faire beaucoup mieux notamment pour intensifier les espaces qui sont sous-utilisés, par exemple des lieux en lien avec le stationnement qui restent vides toute la journée parce que des gens se déplacent avec la voiture ailleurs, à des lieux comme les préaux d’école ou les parcs notamment qui sont des lieux qui sont très intensivement utilisés à certaines heures et pas du tout à d’autres… Si on regarde bien l’intensité d’usage, on pourrait encore vraiment utiliser de façon beaucoup plus forte un certain nombre d’espace et sans parler de tous les espaces résiduels qui n’ont pas vraiment une attribution claire et pour lesquels on pourrait aussi faire beaucoup plus d’efforts. On est encore dans une attitude où finalement on met à disposition des mètres carrés sans vraiment avoir une logique qui pour moi serait beaucoup plus intéressante, qui est celle de considérer les mètres carrés à l’heure, qu’ils regardent beaucoup plus les espaces et leurs imbrications avec le temps. Là, pour moi, on serait vraiment dans une ville qui serait beaucoup plus optimale dans la façon dont elle se met à disposition des gens. Derrière ça, il y a aussi la question de l’inclusivité sociale au sens de vraiment avoir un accès facile. C’est vraiment la question du droit à la ville y compris dans les dimensions de gratuité et de facilité d’accès qui doivent aussi être à disposition des personnes les plus démunies

Concernant l’inclusivité sociale, j’avais une question à l’attention de Nicolas et de Julien, aussi. N’y a-t-il pas un risque finalement de gentrifier ce quartier en faisant le choix d’implanter un tiers-lieu et un éco-quartier au coeur d’un quartier finalement démuni de la ville de Marseille ? Et est-ce que il n’y a pas un risque aussi que la population se gentrifie et que les personnes les plus démunies, les plus défavorisées soient finalement poussées à l’écart de la ville ?

Ah si, il y a un grand risque. Mais en même temps, nous, dans notre modèle économique, on est une entreprise à impact et dans les activités qu’on met en place, systématiquement, il y a l’accompagnement des publics en difficulté donc de formation, de programmes dont je parlais tout à l’heure. Systématiquement, on travaille avec l’écosystème local d’associations, de groupements de jeunes et autres pour pouvoir faire qu’ICI Marseille ou tous les sites qu’on lance ne soient pas déconnectés du quartier. Mais c’est pas facile…

Julien, j’imagine que c’est l’une de vos préoccupations majeures et qu’en cherchant à créer des projets plus citoyens, vous essayez d’inclure tout le monde. Comment est-ce que vous vous y prenez très concrètement ?

Effectivement, je rejoins Nicolas. C’est un gros enjeu de ne pas gentrifier la ville et de la rendre toujours plus inclusive. Il y a plusieurs façons de le faire et on en a déjà parlé. Il y a dans la façon de la concevoir et de la penser en étant inclusif finalement dans cette façon de faire, dans la façon de la fabriquer. Mais au-delà de ça, tout l’enjeu, pour nous, il est dans l’après et compte tenu de l’organisation des métiers de l’immobilier, finalement, on se retrouve à être des acteurs qui faisons une promesse à un moment donné, la promesse d’un projet inclusif, d’un projet qui va améliorer la qualité du bien-être de ses habitants, la qualité de vie et pour lequel on est assez peu redevable finalement puisque une fois que le projet est terminé, tous les acteurs que nous sommes ne sont plus là. C’est quelque chose qu’on essaye de contrecarrer de plusieurs façons : en travaillant avec des partenaires comme Nicolas avec ICI Marseille qui eux vont rester présents dans l’exploitation, donc en favorisant l’implantation de services qui vont contribuer à cette inclusivité.

Et donc une implantation en amont …

Qui est pensée le plus en amont possible effectivement. C’est en initiant un certain nombre d’initiatives pour lesquelles les habitants vont prendre le relais derrière mais en s’en assurant dans la continuité. Je parlais d’exemples en Suisse : ce projet a été livré il y a cinq ans. On a créé cette association, on a financé un animateur pour l’association pendant deux ans et aujourd’hui, cinq ans après, l’association existe toujours, elle a été reprise par les habitants, elle est extrêmement active, elle crée énormément d’événements. C’est ce qui nous montre que finalement ce qu’on a cherché à créer autour du projet, la promesse est tenue. Il y a plusieurs dispositifs. C’est ce qu’il y a de plus compliqué pour nous finalement parce que c’est ce sur quoi on a le moins la main et pourtant c’est ce sur quoi il y a le plus d’enjeux et c’est ce sur quoi on nous attend le plus. On y travaille fortement effectivement.

Il y a bien évidemment un dernier point que je voulais aborder avec vous trois aujourd’hui et c’est cette notion de ville plus écolo. La crise sanitaire nous l’a prouvé, les citadins sont en quête d’une ville plus verte. Sonia, vous l’avez brièvement évoqué, mais quelles alternatives s’ouvrent à nous concrètement, mis à part les îlots de fraîcheur que vous avez déjà mentionnés ?

Je pense que c’est en effet beaucoup plus large que ça. Une mesure que je préconise souvent et qui est relativement simple à faire est celle qui consiste à créer les deuxièmes peaux des parcs. Nous avons hérité, dans certaines capitales, de parcs du XIXe siècle généralement et on voit qu’au cours du XXe siècle, nous avons fabriqué très peu de nouveaux parcs. En revanche, conquérir les rues autour du parc existant, c’est une approche qui pourrait être menée de façon beaucoup plus facile et systématique. Si on agissait ne serait-ce que sur les cinq premières minutes autour des parcs existants, par des actions ciblées – de végétalisation, d’intégration de mobilier urbain, de création de bancs ludiques pour les enfants et leurs familles, des espaces de convivialité – on pourrait finalement rendre les rayons d’influence des parcs beaucoup plus grands. En travaillant sur ces deuxième peaux, ce serait une façon de verdir la ville qui serait à la fois très acceptable et très acceptée par la population, facile à défendre politiquement – les gens peuvent comprendre la notion – et puis qui augmente de façon très exponentielle l’accès à la nature en ville. Il y a d’autres façons de faire. Je pense qu’il y a des façons qui touchent directement les constructeurs de nouveaux quartiers puisque les nouveaux quartiers pourraient servir de locomotives vertes, au sens d’intégrer des cautions de végétalisation beaucoup plus fortes que ce qu’ils font aujourd’hui. On reste encore aujourd’hui dans une verdure décorative. On ne va pas beaucoup plus loin que planter un certain nombre de mails arborés ou de micro-éléments de verdure. On n’est pas du tout encore aux cautions de végétalisation dont on aurait vraiment besoin pour créer cette ville biophilique qu’on évoquait précédemment sachant que c’est une approche qui a quand même ses limites puisque la composition ou la création de nouveaux quartiers restent quand même limitée. On parle de 5% peut-être dans le meilleur des cas de la production urbaine par année. C’est pas ça qui va fondamentalement changer mais je pense que si ces nouveaux quartiers assumaient quand même ce rôle de locomotive, ils pourraient générer en effet des effets de contagion dans les quartiers aux alentours et en tout cas servir, eux, de point focal. Julien parlait précédemment des enjeux à résoudre, je pense que c’est un des enjeux que la construction neuve doit résoudre. Elle doit assumer d’une façon peut-être difficile un capital de verdissement qui doit être plus fort que celui de la ville déjà installée. Ca n’empêche pas qu’on doive aussi beaucoup réfléchir à comment la ville déjà produite doit intégrer ce besoin de nature au plus près et comment on peut faire pour transformer les quartiers qui sont déjà là et notamment les quartiers dits de la « politique de la ville » où l’accès à la nature est parfois rendu plus difficile. Les espaces peuvent exister en tant que tels mais ils sont souvent sous-équipés ou dégradés donc il y a des vrais enjeux aussi liés à cette question de la maintenance, de l’habitabilité de ces espaces verts. Quand on dit aussi ville écolo, il y a d’autres questions derrière, que vous soulevez, qui sont toutes aussi importantes comme la gestion de l’énergie, la gestion d’une sobriété, d’un recyclage des matériaux où justement les « makerplace » peuvent avoir un rôle à jouer beaucoup plus important.

Et justement, Julien, pour rebondir sur ce que dit Sonia et ces éco-quartiers qui serviraient de locomotives, est-ce que, vous aussi, vous avez observé cette tendance de ville plus écolo ? Est-ce que vous avez aussi des exemples à nous donner ?

La ville plus écolo, c’est un vaste sujet et c’est certainement le plus urgent qu’on doit résoudre effectivement. Je ressors trois choses de cette thématique. La première, c’est le sujet de la nature, de la place de la nature dans la ville, Sonia en a parlé. C’est un équilibre qui est difficile à trouver, notamment en terme d’équilibre économique dans le développement des projets mais sur lequel on fait quand même beaucoup de choses comme l’exploitation des toitures d’immeubles, le développement des jardins, la place qu’on accorde dans l’aménagement public à la nature. Dans le cadre des projets qu’on développe, on va très, très loin sur ces sujets-là. Le deuxième sujet dans la ville plus écolo, c’est le sujet du climat et du carbone qui est un sujet majeur pour nous et pas que pour nous, pour tout le monde, sur lequel on est très grand contributeur de solutions par rapport aux matériaux. On investit énormément pour développer la construction bois, pour développer la construction à travers des matériaux bio-sourcés… On favorise des usages qui vont permettre de réduire les émissions de carbone en termes de mobilité, on le fait avec énormément de partenariats – on travaille avec Renault sur ces sujets-là -, en terme de performance des bâtiments, en terme de construction de bâtiments toujours plus performants, en allant au-delà de la réglementation qui est toujours un peu en retard par rapport à ces enjeux-là. Le troisième point que je voulais soulever sur cette thématique de la ville plus écolo, c’est le sujet de l’artificialisation des sols qui est un sujet qui prend de plus en plus d’importance et sur lequel l’exemple de Marseille est vraiment parlant. On est sur un bout de ville, un quartier qui va être construit sur une friche urbaine. Ca nécessite un certain nombre de savoir-faire qui ne sont pas les mêmes que quand on construit la ville au travers de l’étalement urbain. Quand on regarde chez Linkcity, qui est notre filiale de promoteurs immobiliers, on a aujourd’hui une trentaine de projets de ce type-là qui re-fabriquent la ville sur la ville finalement, en convertissant des friches urbaines. On voit que c’est l’avenir de la fabrique de la ville. Elle va devoir demain se reconstruire sur elle-même puisqu’on ne peut plus artificialiser des terres agricoles et étendre la ville, avec toutes les contraintes que cela génère ou que ça a généré en termes de mobilité, de proximité à l’emploi etc. C’est les trois points que je voulais soulever sous cette terminologie de ville plus écolo : l’artificialisation des sols, le carbone et la place de la nature. On met en place un certain nombre de démonstrateurs sur ces sujets-là. Ces démonstrateurs sont des projets réels mais qui sont allés très, très loin sur un certain nombre de thématiques qui l’emportaient très fortement. Sur le sujet du carbone, on est en train de réaliser le premier quartier zéro carbone à Paris. C’est le projet de l’Ilot Fertile au nord de Paris, qui se fait en construction pierre. On a un projet qui vient d’être livré – les gens y vivent à Grenoble – qui s’appelle ABC (ABC pour Autonomous Building for Citizens). C’est le premier bâtiment autonome en énergie et en fluide donc qui ne consomme pas d’énergie venant de l’extérieur et qui ne rejette rien dans les réseaux. Ce sont des exemples parmi tant d’autres. Effectivement, c’est quelque chose sur lequel on nous attend et on est vraiment force de proposition.

Oui, en effet, le secteur de la construction devra nécessairement passer par une transition écologique et énergétique, c’est certain.

C’est plus qu’une nécessité, c’est un pré-requis. On ne peut pas imaginer un projet aujourd’hui sans prendre en compte ces considérations-là, évidemment.

Nicolas, vous l’avez déjà un petit peu évoqué mais c’est vrai que c’est quelque chose qui vous tient à coeur cette notion de ville plus écolo et notamment sur la question de la réduction des déchets. Est-ce qu’il y a quelque chose que vous aimeriez ajouter à ce sujet ?

Oui, je ne vais pas revenir sur ce qu’ont dit Sonia et Julien. Je pense que ça dépend surtout des compétences de ceux qui construisent et de ce qui vivent la ville. Aujourd’hui, les métiers qui vont permettre de construire la ville d’une manière plus écolo et la pensée de la construire et de la vivre commencent à émerger. C’est ça l’enjeu pour moi. Il y a un manque de compétences et de connaissances. Il faut que, chez les constructeurs, chez les cabinets d’architectes, dans les tiers-lieux et partout, il y ait des pros de la valorisation des déchets, du tri, de l’éco-conception, de l’éco-construction… Quand on aura les compétences, on y arrivera.

Est-ce qu’il y a d’autres pays qui pourraient nous inspirer ?

Pour moi, c’est les pays nordiques.

Julien, sur cette idée de s’inspirer d’autres pays ?

Nous, on est très présent en Suisse depuis longtemps. La Suisse n’est pas avant-gardiste parce que le France n’a pas à rougir, mais on y a déjà beaucoup de références qui vont très loin sur ces sujets-là, avec des projets « Sites 2000 watts « qui est une certification suisse.

`Merci beaucoup à tous les trois. Je pense qu’on a pas mal débattu sur ce sujet et sur ce que pourrait être la ville de demain. Merci infiniment d’avoir participé à cette table ronde. A très bientôt !

Et voilà, cette table ronde est déjà terminée et j’espère qu’elle vous aura plu. Comme toujours l’ensemble des liens utiles pour suivre l’épisode seront indiqués en barre de description. Vous y retrouverez des liens vers les différentes interventions de Sonia, les manufactures de Nicolas ou encore le projet City Play porté par Bouygues construction. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode et d’ici là, prenez soin de vous ! A bientôt !